Louis XVI et la Révolution

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tion : Vive le roi! La reine se lève, et à ma grande satisfaction, elle entend pour la première fois dans plusieurs bouches le cri de : Vive la reine! Elle fait une profonde révérence ; cette révérence amène une plus bruyante acclamation, et cette acclamation une plus profonde révérence. »

Après un pareil accueil, la cour s’occupa sérieusement à vexer et à humilier le tiers par tous les petits moyens qui étaient encore à sa disposition. On avait déjà imaginé de donner aux communes un habit qui leur inspirât une certaine humilité, séante à leur humble extraction. Tandis que le grand maître des cérémonies accordait à la noblesse la cravate de dentelles, le chaperon à plumes blanches, retroussé à la Henri IV, comme celui des chevaliers de l’ordre, et lui permettait les boutons d’or sans les rendre obligatoires, le tiers devait se contenter d’une cravate de mousseline et d’un chapeau retroussé des trois côlés, sans ganses ni boutons. Sous leur costume noir, ils avaient l’air de porter le deuil de la monarchie. À la procession du 3 mai, ils formaient, dit Gouverneur Morris, un contraste frappant avec la noblesse et le clergé : « On les évitait, comme s'ils avaient apporté les germes de la peste avec eux. Ils causaient en chuchotant, avec précipitation, avec chaleur; ils ne souriaient jamais. Leur costume, composé d’un haut-de-chausses noir, d’un surtout et d’un court manteau noir, auquel ils avaient été condamnés par les anciennes lois somptuaires, et qui était destiné à indiquer le roturier, augmentait encore le contraste. Fièrement, ils s’'avançaient dans ce costume; mais sur leur visage on lisait la préoccupation et de sombres pressentiments; un silence de mauvais augure régnait soudain dans leurs groupes, toutes les fois qu’un membre isolé de la noblesse venait à passer près d'eux. » Ce sombre uniforme fut d’abord accepté, la grande majorité des représentants roturiers s’en contenta : « Je pris l'uniforme de député, dit le sage et calme Bailly. On m'avait fait insinuer à Paris que nos députés feraient fort bien de ne