Louis XVI et la Révolution

LES ÉTATS GÉNÉRAUX. 155

le pas prendre en arrivant, que le règlement à cet égard était une pédanterie. Comme je vis bientôt que les deux tiers au moins des communes s’y étaient assujettis, j'en ai conservé le costume, même étant maire. Je suis fâché que l’Assemblée nationale ait à la fin abandonné le costume, et une uniformité de décence et d’habits qui est très imposante. »

Cette première distinction, cette première satisfaction ne suffisaient donc plus aux privilégiés. On tâcha d'imaginer quelque chose qui accentuât encore la différence entre le clergé, la noblesse et le tiers. À son grand regret, la majorité des deux premiers ordres ne pouvait plus imposer aux bourgeois leur ancienne attitude, si heureusement symbolique ; on ne leur demanda plus de s’agenouiller aux états, parce que la réponse eût été trop catégorique. Mais on trouva du moins cette consolation pour l’orgueil des privilégiés : à l’ouverture des états, le clergé et la noblesse firent leur entrée par la porte principale : le tiers, au contraire, se faufila par une entrée de service.. Quand le roi reçut les députés, les deux premiers ordres eurent les honneurs du cabinet, ouvert à deux battants; le tiers ne fut admis que dans la chambre, et l’on n'ouvrit qu’à moitié la porte. Pour avoir le temps d’imaginer ces ingénieuses distinctions, on avait retardé longtemps la présentation des états à Louis XVI. Comme le président Bailly se plaignait, le garde des sceaux lui exposa ces importants problèmes d’étiquette, et lui avoua « qu’on ne pensait pas exiger que le tiers état parlât à genoux; mais les deux autres ordres voulaient une différence quelconque; et cette différence, infiniment difficile à trouver, faisait tout l’embarras ».

C'était par d’incessantes piqûres comme celles-là que la cour avait imaginé de terrasser ce tiers que l’on commençait à redouter : on ne fit que le blesser dans sa dignité. Habitués à se porter entre eux des atteintes mortelles à coups d’épingles, les courtisans crurent que le moyen réussirait