Louis XVI et la Révolution

160 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

qui la divisaient en trois nefs. Celle du milieu, longue de quarante mètres, et large de dix-neuf, était réservée aux états. Les bas-côtés étaient munis de gradins pour les spectateurs : dans le haut des parois, on avait en plus ménagé des tribunes. Gradins et tribunes étaient toujours combles. C'était donc devant le peuple que le tiers tenait ses premières séances ; et l'on eût beau recommander au public « de ne donner à la fin des opinions aucun signe tumultueux d'applaudissement ou d'improbation », les tribunes se mêlèrent activement à la vie des états. Vainement Malouet proposa-t-il, le 28 mai 1789, dans des circonstances délicates, de faire sortir les étrangers : « Des étrangers! répondit Volney, en est-il parmi nous? L’honneur que vous avez reçu d'eux lorsqu'ils vous ont nommés députés vous fait-il oublier qu'ils sont vos frères et vos concitoyens? N'ont-ils pas le plus grand intérêt à avoir les yeux fixés sur vous? Oubliez-vous que vous n’êtes que leurs représentants, leurs fondés de pouvoirs? »

Ce qui domine en effet les débats des états généraux, ce qui enlève à leur vie oratoire presque toute spontanéité, on pourrait dire presque toute originalité, c’est ce fait que, dans les trois chambres, les représentants ne se considèrent que comme de simples mandataires. Chaque député a son cahier, qu'il regarde comme la loi écrite, et d’où il tire toute son orthodoxie politique. Dans le clergé, plusieurs curés refusent même, le 16 mai, de communiquer leurs cahiers à la chambre de leur ordre, parce qu'ils ont juré à leurs commettants de les remettre directement aux états généraux. Dans la noblesse, on se conforme strictement aux mandats impératifs : la majorité déclare, le 22 mai, que la noblesse renoncera à ses privilèges, mais seulement après l'achèvement de la Constitution : telle est la volonté des cahiers. Lorsque, le 28 mai, le comte d’Antraigues conseille à ses collègues de persévérer dans leur opposition aux innovations du tiers, c’est encore les cahiers qu'il invoque : « Le décret que l'on vous propose est attendu