Louis XVI et la Révolution

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162 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

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misère du peuple et la cherté des grains, montre à ses auditeurs un de ces pains que mangent les paysans de l'Ile-de-France.

Au fond de cette éloquence généralement froide, et comme immobile, on sent qu’il y a de chaudes passions, et que l’agitation va bientôt venir. Sans doute on chérit le roi; lorsque Bailly, comme doyen du tiers, propose, le 5 juin, d’aller jeter de l’eau bénite sur le corps du dauphin, la chambre adopte sa proposition à l'unanimité. Mais on se défie de l'entourage de Louis XVI, de la cour qui doit acheter les consciences. Pendant quelque temps, dit Bailly, on manque de confiance dans la députation de Paris, parce qu'on la croit vendue au gournement. Il n'est pas prudent de faire trop de compliments même au roi : on s'attire, comme Malouet, cette verte semonce d’un député resté inconnu : « Méfions-nous de tous ces éloges dictés par la bassesse et la flatterie, et enfantés par l'intérêt. Nous sommes ici dans le séjour de l'intrigue et des menées; l'air même qu'on y respire porte la corruption dans les cœurs. Des représentants de la nation, hélas! semblent déjà en-être vivement atteints. »

Surtout le sentiment de solidarité nationale, que recommandent les cahiers, prend une nouvelle force du fait même de la réunion. On propose des mesures pour briser les di visions factices, pour faire disparaitre l'esprit de province. Mème dans la chambre de la noblesse, Lally répète le cri généreux des états du Dauphiné : « Ne soyons plus Dauphinois, Béarnais, Bretons, Provencaux, soyons Français. » Une sensibilité qui n’a rien de factice ni de théâtral, mais qui tient, chez ces députés novices, à la nouveauté de leur situation, aux difficultés du moment, ‘anime ces premières séances. Bailly ne peut pas toujours dominer le tumulte : «Je n’avais, raconte-t-il, que ma sonnette. qui manquait son effet. Dans un moment où je n'étais pas entendu, désespéré de ne pouvoir ramener l’ordre et le silence, je m’échappai à dire : Messieurs, vous me tuez. Ce mot opéra sur-le-champ un profond silence, et fut suivi de preuves uni-