Louis XVI et la Révolution

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n'avez pas besoin d’un décret provisoire. La question se trouve elle-même décidée par provision. » Mais, en général, c’est de l'esprit bien français, un peu moqueur : ce sont des gens qui aiment à sourire un instant, même dans les circonstances les plus graves, surtout lorsque l’orateur a trouvé une formule malheureuse : Foucault, emporté par son indignation, s’embrouille, le 13 novembre 1790, dans ses protestations contre la majorité : « Je dirai que tout le monde ne peut pas dire ici ce que nous pouvons dire tous. — J{ purt des éclats de rire de tous les côtés de la salle. »

Outre ces diversions à la solennité monotone des débats, l’Assemblée a des distractions inconnues aux Chambres actuelles. Son ordre du jour est très varié. Chaque séance débute par la lecture des adresses qui, de tous les points de la France, affluent sur le bureau. Celles qu’on lit sont enthousiastes, et prouvent aux constituants qu’ils sont toujours en communion d'idées avec leurs commettants. L'Assemblée éprouve un naïf orgueil à déguster les éloges qu’on lui envoie, même quand ils sont en mauvais vers : alors elle applaudit poliment « au zèle-des auteurs ». Quelques-unes de ces adresses sont vraiment belles. Ce sont celles où de pauvres gens annoncent qu'ils ont prélevé sur leur misère des dons patriotiques. Le 27 mars 1790, l'Assemblée, émue, décide qu’on fera imprimer la lettre d’un curé qui abandonne à la nation les dix-sept cents livres de sa cure. Il faut citer ce morceau, le plus touchant de tous : « Monseigneur, tandis que toutes les campagnes, ainsi que les villes, s’empressent, à l’envi, de manifester à la nation leur zèle par des dons patriotiques, la paroisse de Sormery, diocèse de Sens, dont j'ai baptisé une partie de la jeunesse, n'a qu'un cœur et que des bras à lui offrir, mes paroissiens, même les plus aisés, ou pour mieux dire les moins pauvres, ne vivant cette année que de pain fait avec de la farine de pois. et de vesce, mêlée d’un peu d'orge. Cependant, ils sentent bien, avec moi, que, dans la détresse des finances, il faudrait,