Louis XVI et la Révolution

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elles ont le courage d’entrer dans la salle : le curé de SaintRoch apparaît le 29 mai 1790 à la barre, « accompagné de six nouvelles épouses, dotées de mille livres chacune, en récompense de leur vertu » ; il les présente, et l’une d’elles adresse un petit discours aux représentants, en tremblant. Moins timides, les dames de la halle viennent en députation ; une de ces dames prononce une chaleureuse harangue, qui est jugée digne de l'insertion in extenso au procès-verbal. C'est la distance seule, et non leur timidité, qui empêche les «mazones nationales d'Auray de venir présenter leurs hommages à la Constituante ; leur lettre est pleine de patriotisme; elle est de plus un bon symptôme : les femmes prennent parti pour la Révolution.

De pareilles scènes, dont on pourrait multiplier les exemples, nous font quelquefois sourire. Notre froideur actuelle, ennemie des manifestations bruyantes, serait tentée de railler l'ardeur de nos pères : leur enthousiasme nous surprend. Cest nous qui avons tort. C'était en effet en sentant vibrer tout un peuple à leur unisson que les constituants trouvaient le courage nécessaire pour mener à bien leur lourde tâche. Toutes ces adresses, toutes ces députations leur prouvaient que la France était avec eux. Une fois, on voulut aller plus loin : pour montrer que les peuples de l'Europe, même du monde entier, étaient de cœur avec la France, une députation de vingt et une nations se présente à la barre le 19 juin 1790 : « Clootz entre, dit Ferrières, suivi d’une troupe de gens que l’on annonce être Prussiens, Hollandais, Anglais, Espagnols, Allemands, Turcs, Arabes, Indiens, Tartares, Persans, Chinois, Mogols, Tripolitains, Suisses, [taliens, Américains, Grisons. Ils portaient le costume de ces différents peuples. Le magasin de l'Opéra s'était épuisé. A l'aspect de cette grotesque mascarade, chacun ouvre de grands yeux. » Le Prussien Clootz prend la parole : « Jamais ambassade ne fut plus sacrée ; nos lettres de créance ne sont pas tracées sur le parchemin, mais notre mis-