Louis XVI et la Révolution

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pour onze heures du matin, de nombreux députés sont dès neuf heures dans la salle. Les jours ordinaires, on siège presque toute la journée. Sur la proposition d'Alexandre de Lameth, on travaille les sept jours de la semaine : « Le dimanche est le jour du repos, dit-il, le 27 février 1790 ; mais il n’est pas de repos pour les amis de la liberté et de la Constitution, quand les bases du bonheur public ne sont pas encore solidement établies. » Même pour le 1% janvier, la Constituante se refuse un jour de vacances : « Pour bien finir l’année et pour la bien commencer, dit un laborieux représentant, il faut une séance extraordinaire ce soir, et une demain. » Les séances du soir sont un vrai tour de force : le 7 janvier 1790, après avoir siégé jusqu’à cinq heures, on fixe à six heures et demie la reprise. Aussi, au témoignage de Mirabeau, les députés sont-ils rendus de fatigue. Le matin, à neuf heures, la salle se remplit lentement, parce que, après la séance du soir, la moitié des membres de l’Assemblée, occupés dans les comités, travaillent fort avant dans la nuit. Et même, si l’on arrive en retard le matin, ce n’est point par faiblesse, ni par relâchement : c’est que les comités recommencent à fonctionner avant l’ouverture de la séance. Cette activité fiévreuse finit par inquiéter le bon Malouet pour la santé de ses collègues : « Le travail de tous les comités, même de ceux qui ne produisent rien ou peu de chose, est inimaginable, écrit-il le 29 janvier 1791. Nous sommes ivres de discussions, de rapports, de mémoires, de projets de décrets, tout ce qui a été écrit est énorme, et je ne serais pas étonné qu'une fièvre d’épuisement ne saisit bientôt tous les membres de l’Assemblée. »

Où prenaient-ils la force nécessaire pour supporter un pareil labeur? Sans doute dans leur patriotisme, dans leur immense amour pour leurs frères. Mais cette fraternité, cette religion de la patrie, avaient elles-mêmes leur source dans une passion plus générale, dans une prédisposition à ressentir vivement toutes les émotions, en un mot dans leur sensibilité. Il est de mode