Louis XVI et la Révolution

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salut de vingt-cinq millions d'hommes est attaché; que peut-être des nations entières attendent pour les prendre pour modèles ». C'était déjà pour toute l'humanité que la Constituante, après de longs et minutieux débats, avait enfin publié sa Déclaration des droits de l’homme en société. Pétion le dit expressément : « Il ne s’agit pas ici de faire une déclaration des droits seulement pour la France, mais pour l'homme en général. » Cette déclaration était bien l'œuvre de toute l'Assemblée, car tous les partis avaient pu librement et longuement la discuter. Mais les partis n’en existaient pas moins, ardents, furieux même quelquefois; et les délibérations de la Constituante n'étaient rien moins que pacifiques : c'était une guerre sourde, latente, avec des explosions par instants.

Ses premières émotions la rendaient silencieuse; ainsi, le jour où Mirabeau lance son apostrophe au marquis de Brezé, après le départ du grand-maitre des cérémonies, « un morne silence règne dans l'Assemblée ». Mais bientôt, quand elle a pris conscience de sa force, elle parle haut; elle crie même, et par moments elle hurle. Ces violences avaient forcé la majorité à renforcer les sévérités du premier règlement, à proposer la prison pour certaines fautes, à infliger, par exemple, une fois huit jours d’arrêts « au sieur Lambert, dit de Frondeville ». Et pourtant, pour éviter tout froissement, il existait à la Constituante une habitude qui avait pris force de loi : on ne prononçait jamais les noms de ses collègues. Pour s'être entendu citer nommément une seule fois, l’abbé d’Eymar proteste contre « l'affectation indécente qui a été apportée à prononcer son nom ». Garat, qui a eu l’imprudence de nommer l'abbé Maury, est interrompu par ce dernier et avoue humblement ‘sa faute : « Je reconnais que je suis tombé dans une sorte d’incongruité en nommant M. l'abbé Maury; mais je promets de ne plus le nommer, car rien ne coûterait plus à mon cœur que de déplaire à quelqu'un dans cette Assemblée. » Ces raffi-

. nements de politesse n’empêchaient pas d’effroyables tumultes.