Louis XVI et la Révolution

LA CONSTITUANTE. . 209

se laisser entraîner par un chef dont on n’est pas sûr. Le troupeau, tout près de subir l’autorité de celui qui veut le conduire, se regimbe, et secoue le charme qu’on lui a jeté.

On tâche de modérer les passions. On essaye de n’employer que des expressions parlementaires. Talleyrand souffle le mot « prodiguer » au comte de Virieu, qui, au grand scandale de l'Assemblée, a parlé, le 28 février 1790, de « prostituer » les récompenses. Le côté droit n’a rien à envier comme violence au côté gauche. C'est encore au comte de Virieu que revient l'honneur d’avoir excité le premier beau tapage parlementaire. Le 10 septembre 1789, « M. le comte de Virieu profite d’un moment de silence pour prendre la parole. Faut-il done, ditil, qu'une Assemblée nationale soit emportée par des démagogues et une fougue populaire? Non, messieurs... — Puis un f.. est sorti de sa bouche. Ici mille cris opposés s’élèvent de tous côtés; ce ne sont plus des plaintes, des reproches, c’est un tumulte universel. »

$ 5. — La Noresse.

Ce genre de scènes, sans être toujours aussi grossier, est souvent aussi vif : des tempêtes se déchaïnent fréquemment: il y à comme une tension électrique presque permanente: entre les trois partis en présence, les étincelles pétillent; dans les mauvais jours, la foudre éclate, et c’est alors un orage d’interruptions, de menaces et d’injures, qui s’abat sur l’Assemblée, . La faute en est surtout aux ordres privilégiés, et en particulier à la noblesse. On ne peut s’imaginer à quel point les gentilshommes poussent l’infatuation et le dédain vis-à-vis du tiers. Ce qui en peut donner une idée, c’est le profond mépris que les aristocrates affectent même pour ceux de leurs égaux qui ne sont pas des purs. Cazalès et d’Eprémesnil se distinguent par leur morgue irritante envers ceux qui ne partagent

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