Mémoire sur la Bastille

PRÉFACE XVII

tériels qui faisaient ces rapports élaient encore moins à l'abri des erreurs et des passions humaines. Sans doute l’usage était, à la Bastille, d'interroger les prisonniers, mais aucune ordonnance royale n’en faisait une obligation. Loin d’avoir lieu dans les vingt-quatre heures, suivant le droit commun, l'interrogatoire pouvait être retardé, la procédure interrompue pendant des mois et des années : moyen presque infaillible, avec le secret, pour forcer un suspect à des aveux sans le mettre à la question. Quelquefois, comme pour le cardinal de Rohan, la Bastille n’était que « l'antichambre de la Conciergerie », ou, pour mieux dire, un lieu de détention qui n'avait rien d’inhumain ni de déshonorant : alors le prévenu était jugé par les juges que lui attribuaient la loi ou le privilège. Mais c’était l'exception. Dans la grande majorité des cas, le lieutenant général de police, celui-là même qui avait présidé à l’arrestation, était chargé aussi de l'instruction. On conçoit qu'il ne füt pas. tenté de se donner tort ; on conçoit, s’il n'avait procédé que d’après des soupçons vagues, qu’il prit tout son temps pour rechercher des preuves ultérieures du délit, faute desquelles il avait encore

la ressource d’exagérer l'importance des indices recueillis. 1. Il pouvait déléguer le commissaire de police de la Bastille, comme lui officier du Châtelet, mais non, malgré son titre, de la Bastille.

Mémoires sur la Bastille,