Mémoire sur la Bastille

XXXII PRÉFACE

raient le parti parlementaire. IL suffisait, à la première occasion, de s'emparer de l’auteur, et de le corriger par quelques mois de Bastille. Une lettre de cachet, datée du 18 avril, fut préparée. Plusieurs numéros des ANNALES se succédèrent sans être saisis par la police. Mais aussitôt que Linguet, rassuré, se montra à Paris, il fut arrêté. D’après les lois et les habitudes de l’époque, on n'avait contre lui, parmi les griefs, que l'embarras du choix. On lui présenta une lettre impertinente qu’il avait écrite à Duras, après la suppression du numéro 59. Si l’on en croit la CORRESPONDANCE SECRÈTE, Linguet traitait de j... f.… le maréchal académicien, gentilhomme de la chambre, etc., et l’avertissait que si l'interdiction de son journal n’était pas levée, lui, Linguet, le tiendrait dix ans au bout de sa plume. Pendant les vingt mois que Linguet passa à la Bastille, on fit courir le bruit qu’il était enfermé pour la vie à Pierre-Encise, et même qu'il était mort. Ses ennemis l’accusèrent de crimes de haute trahison : d’avoir travaillé à établir les droits de Joseph IT sur la Lorraine, annexée à la France depuis 1766 ; d’avoir engagé les Pays-Bas à se déclarer pour l'Angleterre contre la ligue des neutres et contre la France, etc. Ces ineptes calomnies ne doivent être rappelées ici que pour montrer que la Bastille ne mettait pas toujours à l'abri la réputation des gens de lettres. Linguet fut interrogé, quoiqu'il le nie; mais il ne le fut que sur