Mémoire sur la Bastille

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expérience ne m'en a que trop appris la réalité. Tandis que tout paroît tendre, dans les mœurs générales, à la mollesse plutôt qu’à la rigueur; tandis que le prince qui règne aujourd’hui sur la France ne manifeste que des intentions bienfaisantes ; tandis que des modifications humaines ont assuré, par ses ordres, dans les prisons ordinaires, des soulagemens, même aux criminels convaincus, on ne s'occupe à la Bastille qu’à multiplier les supplices pour l’innocence. Ses cachots ont acquis plus d’atrocités que les autres n’en ont perdu.

Révéler cette incroyable dépravation, c’est, sous un prince équitable, en nécessiter la réforme : ainsi mes derniers adieux à ma patrie sont encore un service que je lui rendrai; mon dernier hommage au roi vertueux qui la gouverne sera pour lui une occasion de plus de faire le bien qu’il aime et qu’il cherche.

Mais cette révélation, n'y a-t-il rien qui me l'interdise? Tous les objets que je traite ici, puisje les traiter sans scrupule ? Puis-je en conscience mettre le public dans le secret des terribles mys-

bigni, au diocèse d’Autun. — Mahé de La Bourdonnais, destitué et rappelé en France à la suite de ses dissentiments avec Dupleix, resta près de quatre ans à la Bastille (17481752), fut réhabilité sans avoir été, d’ailleurs, formellement jugé, et mourut dans la misère en 1755, mais non sans entraîner, en quelque sorte, son rival dans sa ruine.

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