Mémoire sur la Bastille

10 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE

tères auxquels le 27 septembre 1780 m'a initié?

Les gardiens de la Bastille n’ont pas, à la vérité, à leur disposition les eaux du Léthé, pour détruire dans la mémoire de leurs victimes le souvenir de leurs cruautés; mais ils essayent d’y suppléer. Le despotisme, qui fait du silence un des tourmens de la Bastille, quand on y est, tâche d’en faire un devoir religieux quand on en sort; on force tous les Jonas qu’elle revomit à jurer qu’ils ne révéleront jamais rien, ni directement, ni indirectement, de ce qu’ils ont pu y apprendre ou y souffrir.

C’est un magistrat dans le costume consacré en apparence à la justice (4), ce sont des militaires décorés du gage apparent d’un service pur(5) et d’une vie dévouée à la défense des citoyens, qui président à ce dernier acte d’une oppression dont ils ont été les instrumens. On montre au demi-ressuscité la porte qui seule peut le rendre à la vie, à demi ouverte, et prête à se refermer s’il hésite : on veut ne lui laisser de choix qu'entre le silence, le parjure ou la mort.

Hommes sensibles de toutes les nations, casuistes rigides, qui savez ce que l’honneur et la délicatesse prescrivent, prononcez. Ma plume doit-elle être liée parce que mes mains l’ont été injustement? Non, sans doute : vous me criez d’une voix unanime que l'infraction de cet engagement igno-