Mémoire sur la Bastille

LINGUET LI

minieux n’est pas un parjure; que le crime est de l’exiger, et non pas de le rompre.

Vous avez absous le célèbre Dellon : d’avoir brisé ce frein fabriqué par une inquisition religieuse qui, ayant précisément les mêmes principes que celleci, emploie les mêmes ressources pour en ensevelir la honte et le scandale. Vous vous réunissez tous pour renouveler et consacrer à jamais cet axiome précieux à la société, cet axiome dont l’oubli donneroit trop d’avantage aux méchans armés du pouvoir, que le serment a été institué pour garantir les conventions légitimes, pour assurer l’observation des lois, et non pour défendre, pour aider à perpétuer les abus qui les enfreignent.

1. Dellon, voyageur et médecin français, fut emprisonné à Goa (1674), sous prétexte d’hérésie. Au bout de deux ans de détention, de tortures physiques et morales, il fut condamné à la confiscation de ses biens et à cinq ans de galères en Portugal. Toutefois, comme on n'avait pu lui arracher aucun aveu, le grand inquisiteur de Lisbonne le fit remettre en liberté. Il publia, en 1688, la Relation de l'Inquisition de Goa (Leyde, in-12); cet ouvrage a été refondu, peut-être par l’auteur lui-même, avec ses Voyages (Amsterdam, 1709, in-12). Il se trouve aussi former, sous le titre de Supplément, etc., un cinquième volume de l'édition de 1724 de l'Inquisition françoise, par Constantin de Renneville qui, d’après les bibliographes, n’est pas la première, mais qui est la seule que j’aie vue.