Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

BRETAGNE, CARCASSONNE, LA ROCHELLE 81

chambre les trois plus anciens grenadiers de chaque compagnie, et je les sommai de me déclarer les motifs de cetté désobéissance. Ils me répondirent que les grenadiers voulaient être payés auparavant des six semaines de solde qui leur étaient dues '.

N'ayant point moi-même touché d'argent pour leur solde, et n’ayant aucuns fonds en caisse, je leur démontrai l'impossibilité où je me trouvais de leur accorder, pour l'instant, ce qu'ils réclamaient *, et, pour en finir, j'ordonnai à ces six grenadiers, dont les sacs et fusils avaient été apportés, de les prendre et de suivre leurs officiers, sous peine d'être considérés seuls comme auteurs de la rébellion et traduits à un conseil de guerre.

Ces six grenadiers ne purent tenir à la menace sévère que je leur fis. Ils prirent leurs armes, et vinrent se réunir aux sous-officiers et caporaux. Je les fis partir aussitôt, tambour battant et la musique les accompagnant, comme si les compagnies y avaient été effectivement. Les autres grenadiers, croyant que l’on ne faisait plus d'attention à eux, furent tellement déconcertés qu'en un instant tous s’empressèrent de courir pour rejoindre leurs compagnies, et y prirent leurs rangs. Étant hors de la ville, je fis faire halte et ordonnai l’appel. Il n’y manquait personne. Je leur témoignai mon mécontentement de ce qui venait de se passer, avec d'autant plus de raison que j'étais loin d’y avoir donné lieu. Aucun murmure ne s’éleva, et tout le monde se mit en route.

A cette époque, mon régiment était presque toujours en marche, tantôt sur Pontivy et les côtes de Lorient et

! En effet, un rapport d'inspection des compagnies de grenadiers de la 79 demi-brigade, partant pour Tours, constata que l'armement était en bon état, qu ‘un tiers de l'habillement était à remplacer, et que la solde était arriérée d'un mois.

2 Y. AAA, aux notes.

BARON GODART. 6