Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

ARMÉE DU RHIN 35

taine d’habillement. Les officiers me dénoncèrent parce que je les employais pendant cinq jours aux exercices et manœuvres, et le sixième à l’exercice des sous-officiers:; parce que je faisais prendre les armes deux heures avant le jour,et que je ne les faisais rentrer qu’au grand jour, après les découvertes rentrées ; parce que j’exigeais une trop grande sévérité dans le service, et que je voulais que chacun d'eux fût pénétré de ce qu'il avait à faire, soit en campagne soit dans les places; parce qu'enfin je les traitais comme sous l’ancien régime ; que j'étais un vrai despote el trop brutal envers eux.

Parmi ces dénonciateurs, il existait des officiers de tout grade, aussi crapuleux que pouvait l'être la plus vile canaille, ne voulant rien apprendre, et n’ayant chaque jour à la bouche que les mots insignifiants de liberté, d'égalité et de sans-culottisme, prèchant euxmêmes aux soldats la désobéissance et les excitant à la rébellion. Un chef de bataillon principalement, nommé Tréboutte,employait tous les moyens pour me déprécier dans l'opinion, disant que je lui avais ravi le grade de colonel, et que je n'étais point fait pour en porter les épaulettes.

Cette dénonciation eut le même effet que les précédentes. Le général à qui elle avait été adressée ne resta pas longtemps sans être convaincu de la droiture de mes intentions et de la méchanceté de mes calomniateurs. Il m’écrivit de lui désigner les plus coupables et les auteurs de la dénonciation. Je lui en citai neuf, et fis un rapport particulier contre le chef de bataillon Tréboutte. Bientôt je reçus l’ordre de les faire tous conduire dans les prisons de Schelestadt où ils restèrent dix-sept

jours, au bout duquel temps je voulus bien leur accorder la liberté.