Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

38 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART

quelques coups du plat sur les épaules. En voulant m'éviviter il se heurta le bras contre la pointe de mon sabre, et se causa une légère blessure. Il n’en fallut pas davantage pour que ce soldat allât se plaindre à ses camarades, et conçût l'espérance de se venger.

Je me rendis aussilôt à mon avant-garde que je trouvai sous les armes, et, après m'être assuré que l’ennemi. avait fait un mouvement rétrograde, je fis rentrer mes grenadiers, et je revins au camp pour faire également rentrer mes bataillons. Quelle fut ma surprise d'entendre des cris d'insubordination dans la compagnie dont faisait partie le soldat que j'avais voulu frapper du plat de mon sabre! Les plus mutins criaient que j'avais sabré un volontaire, et que j'avais manqué à la liberté et à la nation. J’eus beau leur répondre que, si j'étais coupable envers ce soldat, ce n'était point à eux, mais bien aux tribunaux à m'en punir; que, dans tous les cas, ils devaient dissiper leur rassemblement : ils ne firent aucune attention à mes paroles, et bientôt quelques-uns s’'approchèrent dans l'intention de se saisir de moi. Déjà un d’entre eux m'avait saisi par une jambe, et tâchait de me faire tomber de cheval, lorsque, pour me débarrasser, je piquai de mes éperons, et me fis faire place. Je les sommai, au nom de la loi, de se retirer, et, vu qu’ils me désobéissaient, j'en désignai trois des plus entêtés comme auteurs de la révolte.

Je devais, entre autres, beaucoup de reproches aux officiers qui, dans cette circonstance, avaient manqué de fermeté, ou avaient toléré par méchanceté l'insurrection de leurs soldats, et je les rendis personnellement responsables de toutes les suites qui pourraient en résulter.

Je fis sur-le-champ un rapport de cette affaire au général de division Delaborde auquel je demandai la