Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

— 405 —

lui était à charge, une forte dose d'opium; que comme il souffrait beaucoup, il s’écria : Mon Dieu, que je souffre | mais que, honteux d'avoir prononcé ces mots, il se tourna brusquement vers la ruelle de son lit, renforca sa voix et dit avec véhémence : « Ah ! quel horrible mot je viens de prononcer. » Ainsi suicide, athéisme et blasphème, tout y est, et Delalande approuve et ne dit mot.

Je prendrais également celui de Dupuis, l’auteur du livre de l'Origine des cultes, qui lui écrit, en 1803, une lettre, dans laquelle il ne se défend d'être athée, que pour se dire de tout point sceptique, et dont certes Delalande peut, sans embarras , faire une pièce en faveur de la thèse qu'il soutien. Voici en effet ce qu'elle renferme : « Je ne dis pas comme l'athée : il n’y a pas de Dieu ; mais je dis que les preuves, par lesquelles on veut prouver qu'il existe, sont absolument nulles. Je ne dis pas que le monde n'a jamais commencé ; mais je dis que rien ne prouve qu'il ait commencé, eten cela je pense à peu près comme saint Paul, qui dit que c’est la foi seule qui nous l’apprend ; Dieu même n’est prouvé que par la foi. Je ne dis pas qu’il n’y a dans la nature que la matière pensante ; mais je ne dis pas qu'il y ait autre chose ; je n’attaque pas l’existence de Dieu, mais seulement les mauvaises preuves qu'on en apporte, de manière que la question reste tout entière. Je ne cherche pas à détruire ; mais je prouve que rien n’est solidement établi dans ces importantes questions. » De ce doute universel à la négation de Dieu et de l'âme, il n’y a pas grande distance, et l'on comprend que Delalande se rapproche sans répugnance et s'appuie de Dupuis ; celui-ci ne trouve aucune raison de croire, et celui-là ne croit pas : c’est à peu près entre eux,