Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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n'inclinerait-elle pas à revenir au xvim® siècle, comme à une terre nouvelle et promise à ses espérances? chez nous et hors de chez nous n’y a-t-il pas des courants entraînants qui l'y portent et qui l'y jettent? n’y a-til pas avec le concours de philosophies venues d’ailleurs, sinon des philosophies, du moins des impressions, des impétuosités philosophiques, impetus philosophici, qui la précipitent vers ces rives dangereuses, mais qu'on lui pare pour la séduire d'apparentes nouveautés ? des doctrines qui n’ont pas le sens de celles du xvmir° siècle, mais qui en se séparant comme elles du simple et commun spiritualisme, semblent s'en rapprocher, ne contribuent-elles pas également quoique indirectement à la tourner vers les mêmes horizons, vers les mêmes écueils? de tout côté n’a-t-elle pas des engagements qui l'y attirent? Or, s’il y a un péril tel que celui que je signale, est-il hors de propos et à contre-temps de revoir ces lieux fameux où bien des imprudents peuvent encore témérairement s’aventurer et échouer, de les visiter de nouveau de près, dans le détail, eten les sondant jusque dans leurs plus bas-fonds, afin d'en mieux marquer tous les points de naufrage; de rechercher en d’autres termes toute cette philosophie, qu'on se plaît trop à croire oubliée et abandonnée sans retour, pour l'examiner non-seulement dans la généralité de ses plus inoffensives maximes, dans ses meilleuresapparences, dans ses plus fines réserves, dans tout ce qui en peut sauver les plus fâcheux caractères, mais aussi et surtout dans les plus périlleux de ses principes, les plus nettes, les plus rigoureuses, et j'oserais dire aussi les plus grossières de ses conséquences, et telles qu’elles sont sorties sans détour et sans voile des mains les moins contenues des plus audacieux de ses disciples? Cest