Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

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disons plus sérieusement, la haute sagesse et l'honneur de tenir un peu plus compte.

Le mieux serait de retrancher Dieu de la constitution, dont s'occupa l'assemblée nationale ; toutefois , comme elle doit être le code législatif, civil, politique et pratique de vingt-cinq millions de français, il faut bien y parler de Dieu, de religion et de culte, parce que. tous les membres d'un État ne sont pas des philosophes ; parce que en fait de dogmes, de prières, de miracles, eten général de croyances, chacun a par habitude, par faiblesse, des besoins plus ou moins impérieux, et enfin parce que quand on discute les lois d'un peuple, il faut compter pour rien quelques individus, qui font exception à la règle générale et supposer tous les citoyens ce que les hommes sont à peu près partout, c’est-à-dire ignorants, crédules, superstitieux et par conséquent voisins de l'enthousiasme, de l'intolérance et du fanatisme; et ceci rappelle à Naigeon ce que lui disait un philosophe, qu'il ne nomme pas, mais qui pourrait bien être Diderot : « Le gros d'une nation restera toujours ignorant, peureux, et par conséquent superstitieux. L’athéisme peut être la doctrine d'une petite école, mais jamais celle d’un grand nombre de citoyens, encore moins celle d’une nation. La croyance à l'existence de Dieu, ou la vieïlle souche restera donc toujours ; or qui sait ce que cette souche abandonnée à sa végétation peut produire de monstrueux ? Je ne conserverais donc pas les prêtres comme des dépositaires de vérités, mais comme des obstacles à des erreurs possibles et plus monstrueuses encore ; non comme les précepteurs des gens sensés, mais comme les gardiens des fous; et leurs églises, je les laisserais subsister comme l'asile ou les