Marie-Antoinette, Fersen et Barnave : leur correspondance

FERSEN ET BARNAVE 315

Dusseldorf, le 24 janvier (1793),

« Oh! ma tendre et bonne Sophie, ce n’est plus qu’auprès de vous que je puis trouver quelque consolation et je sens plus que jamais le besoin de votre sympathie et le prix de votre amitié. Taube! vous dira tous les détails de la mise en jugement du Roi; ils font frémir et mon âme en est déchirée. Ce n’est que demain que nous saurons les derniers résultats, mais mes craintes sont grandes. Pauvre famille infortunée, pauvre Roi, pauvre Reine, que ne puis-je les sauver au prix de mon sang! Ce serait pour moi le bonheur, j’en bénirais le ciel. Ma situation est affreuse, elle est insupportable. Moi qui me serais voué à la mort pour elle et sa famille, je ne puis rien pour eux. Des monstres, des scélérats sortis de la lie du peuple les tiennent en leur pouvoir, les traînent peutêtre au supplice. Cette idée me rend fou. Je suis condamné à d’impuissants regrets; je ne puis que rager dans mon impuissance. Penser à toutes leurs bontés pour moi, m'accable. Mon Dieu, pourquoi n’ai-je pu mourir pour eux le 20 juin ou le 10 août? Rien ne m'aurait détourné du devoir auquel j'ai voué ma vie. J'y mettais ma gloire et mon honneur. Mon seul but était de le leur prouver jusqu’au bout.

1. Le baron Taube, maintenant ministre des Affaires étrangères, était très lié avec la comtesse Piper.