Mirabeau

te

je mourrai aujourd’hui. Quand on en est là, il ne reste plus qu'une chose à faire, c’est de se parfumer, de se couronner de fleurs, et de s’environner de musique, afin d'entrer agréablement dans ce sommeil dont on ne se réveille plus. » Il appela son valet de chambre : « Allons, qu’on se prépare à me raser, à faire ma toilette toute entière. » Il fit porter son lit près d’une fenêtre ouverte pour contempler les arbres de son petit jardin, lespremiersindices dela feuillaison prochaine. Le soleil brillait, il dit : « Si cen’estpas là Dieu, c’est du moins son cousin germain. » Bientôt après il perdit la parole, mais il répondait toujours par dessignes aux marques d'amitié qu'on lui donnait. Les souffrances devenant plus cruelles, il écrivit ce mot : dormir; il désirait abréger sa lutte avec la mort et demandait de l’opium. Il expira vers huit heures et demie, à l’âge de 42 ans. Mirabeau était tellement aimé de tous ceux qui l’entouraient, qu'un de ses secrétaires, M. de Comps, perdant la tête de désespoir tenta de se tuer. Il n’était pas moins aimé de beaucoup de gens qui ne le connaissaient pas personnellement. Pendant la maladie, un jeune homme s'était présenté demandant si l’on voulait essayer la transfusion du sang et offrant le sien pour sauver Mirabeau. La douleur causée par sa mort fut immense, et les honneurs funèbres qu’on lui rendit furent tels qu'aucun autre homme privé n’en eut jamais de semblables.

C'était justice; malgré sa corruption, qui lui avait fait accepter l'argent du roi, Mirabeau n’en avait pas moins été le grand tribun de la Révolution; c’est lui qui, comme l’a écrit Michelet, avait dit la grande parole du peuple à la vieille monarchie. Avec lui diparaissait le plus éloquent orateur de la première Assemblée nationale qu’ait eu la France, et le seul homme capable de modérer la Révolution, si tant est qu’en face des obstacles accumulés devant la Révolution pût être modérée.