Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre

4

HYMNE A VOLTAIRE

M. J. CHÉNIER

Ce ne sont plus des pleurs qu’il est tems de répandre f;

C'est le jour du triomphe et non pas des regrets,

Que nos chants d’allégresse accompagnent la cendre Du plus illustre des Français.

Jadis, par les tyrans cette cendre exilée

Au milieu des sanglots fuyoit loin de nos yeux;

Mais, par un peuple libre aujourd’hui rappelée, Elle vient consacrer ces lieux.

Salut, mortel divin, bienfaiteur de la terre;

Nos murs privés de toi vont te reconquérir ;

C’est à nous qu'appartient tout ce qui fut Voltaire; Nos murs t'ont vu maitre et mourir.

Ton souffle créateur nous fit ce que nous sommes;

Recois le libre encens de Îa France à genoux,

Sois désormais le dieu du Temple des grands hommes, Toi qui les as surpassés tous.

Le flambeau vigilant de ta raison sublime

Sur des prètres menteurs éclaira les mortels;

Fléau de ces tyrans, tu découvris l’abyme Qu'ils creusoient au pied des autels.

Tes tragiques pinceaux, des demi-dieux du Tibre Ont su ressusciter les antiques vertus; Et la France a concu le besoin d’être libre

Aux fiers aëcens des deux Brutus.

Sur cent tons différens ta lyre enchanteresse,

Fidèle à la raison, comme à l'humanité,

Aux mensonges brillans inventés par la Grèce Unit la simple vérité ?.

1 Ce vers a subi de nombreuses variantes : Ce ne sont pas des pleurs que nous devons répandre. — ox

Citoyens, courez lous au devant de Voltaire,

Il renait parmi nous, grand, chéri, respecté ;

Comme à son dernier jour ne prêchant à la terre Que Dieu seul et la liberté.

Il cherche en vain ces tours, cet enfer du génie Dont son aspect deux fois fit le temple des arts ; La Bastille est tombée avec la tyrannie

Qui bâtit ses triples remparts.

11 voit ce Champ-de-Mars où la liberté sainte

De son trône immortel posa les fondemens,

Des Français rassemblés dans cette auguste enceinte Il recoit les seconds sermens.

Le fanatisme impur, cette sanglante idole,

Suit le char de triomphe avec des cris affreux :

Tels Emile et César aux murs du Capitole Traînoient les rois vaincus par eux.

Moins belle fut jadis sa dernière victoire

Lorsqu'aux jeux du théâtre, un peuple transporté

À ce vieillard mourant sous le poids de la gloire Décernoit l’immortalité.

La Barre, Jean Calas, venez plaintives ombres

Innocens condamnés, dont il fut le vengeur,

Accourez à ma voix * du fond des rives sombres. Joignés-vous au triomphateur. -

Chantez, peuples pasteurs, qui des monts helvétiques Vites longtems planer cet aigle audacieux : Habitans du Jura, que vos accens rustiques

Portent sa gloire jusqu'aux cieux.

encore Ah! ce n’est point des pleurs qu'il est temps de répandre,

2 La s'arrêtent les strophes de l’édition du Magasin de Musique à l'usage des fêtes nationales,

8 Variante: Accourez un moment...