Oeuvres diverses
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grand crime aux yeux des despotes, c’est de parler raison et de prèêcher la vérité.
« Jai vécu dans ce temps de malheur où il n’était permis aux sans-culottes que de lire l'Almanach de Liège et le Messager boiteux. Malheur au pauvre barbouilleur qui osait, dans son grenier, grifflonner un livre pour éclairer le peuple! Je me souviens d’avoir vu brûler au pied de l’arbre de la basoche tous les écrits des braves qui nous ont appris à devenir libres. Je me souviens de tous les mandements d'évêques et d’archevêques contre le bonhomme Jean-Jacques Rousseau, de tous les arrêts du Parlement, de toutes les lettres de cachet qui pleuvaient comme grêle sur la tête de cet ami de l’humanité. Comme Marat, il était obligé de se cacher de cave en cave pour n'être pas grillé tout vivant en place de Grève. Le paillard, le crapuleux Louis XV n'aurait jamais pardonné à Voltaire d’avoir fait Brutus et turlupiné toute sa vie les calotins, si ce même Voltaire, pour se tirer de presse et pour éviter la brûlure, ne s’était avili en flagornant les rois et en faisant des couplets muscadins en l'honneur de toutes les maîtresses royales et de tous les proxénètes du roi très chrétien.
« Il est donc clair, comme deux et deux font quatre, que le grand secret de la tyrannie pour écraser les hommes, c’est de les tenir dans l'ignorance. Il faut que tous les b..... qui ont du sang dans les veines et qui savent aussi que la raison est la botte secrète pour tuer la tyrannie, ne cessent de prêcher la raison ; il faut done, si l’on veut sincèrement établir la vérité, combattre, étouffer les préjugés ; il faut instruire tous les hommes : car si nous continuons de laisser tous les œufs dans le même panier, c'est-à-dire si les sans-culottes ne peuvent se procurer autant d'instruction que les riches, bientôt ils