Opuscules et fragments inédits de Leibniz : extraits des manuscrits de la Bibliothèque royale de Hanovre

PRÉFACE IX

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pensée sont également précieux pour en reconstituer l’histoire et la vie intime. Il est donc nécessaire de les publier tous, car entre tous les brouillons d'une même série il n’en existe jamais un qui puisse remplacer tous les autres; et d’ailleurs on n’a pas le droit de choisir le meilleuret le plus complet, et de le considérer plus que les autres comme l'expression définitive de la pensée de Leibniz :.

Proposera-t-on enfin, pour faire l’économie de quelques volumes, de sacrifier les morceaux les plus courts, sous prétexte qu’ils sont écrits sur des feuilles volantes ou sur ces bouts de papier que nous appelons coupons ?, et qui, découpés le plus souvent dans les marges d’un autre manuscrit, ne sont quelquefois guère plus grands qu’un timbre-poste? Mais de quel droit dédaignerait-on une pensée que Leibniz n'a pas dédaigné, lui, de noter par écrit? D'abord, un certain nombre de ces fragments sont datés, et cela suffit pour leur donner du prix : car, quand ils ne feraient que répéter une idée exprimée ailleurs, ils nous apprennent que tel jour, telle année, elle était présente à l'esprit de l’auteur; et cela peut permettre de conjecturer la date de telle œuvre beaucoup plus importante 5, Quant aux autres, ils ne sont pas moins intéressants par leur contenu : on peut en juger par ceux que M. Bonemanx a publiés dans son catalogue, et par ceux que nous publions nous-même. La pensée de Leibniz procédait par « fulgurations », et son expression est en général d'autant plus nette et plus vive qu’elle est plus courte : certains résumés de quatre pages sont plus riches et plus instructifs que les grands ouvrages où cette pensée se dilue et se noie. Il n’est donc pas étonnant que quelques idées de Leibniz aient trouvé parfois leur expression adéquate dans certaines formules lapidaires, qu’il a pour cela même jetées sur le premier bout de papier venu “. Ailleurs, ce sont des remarques fines ou profondes qu’il note à propos d’une lecture : tout cela contribue à la connaissance de sa pensée, ou sert tout au moins à compléter sa physionomie intellectuelle et morale. Encore une fois, qui donc aurait l’audace de « faire un choix » entre tous ces morceaux, de déclarer celui-ci intéressant et celui-là inutile? Sait-on jamais si tel chiffon de papier, en apparence insignifiant, n’apportera pas à une étude future un complément

1. Exemple : les deux rédactions de la Méthode de l'Universalité (Pmi., V, 10). On sait que la Monadologie existe en 3 versions différentes, dont aucune n'est la copie exacte des autres; mais, dans ce cas, on peut se contenter de noter les variantes:

2. Et que M. Bonemanx appelle : Schnitzelchen.

3. C’est un coupon que cette note du 2 décembre 1676 dont nous avons indiqué plus haut la portée.

4. Par exemple, c'est sur un coupon que se trouve cette formule : « Theoremata … Tachygraphias seu cogitandi compendia esse », qui non seulement résume, mais illumine toute la théorie de la pensée discursive et symbolique, et par suite l’idée même de la Caractéristique (Pic, VII, B, u, 53).