Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 279

a été maréchal de France et grand général, se promenait tous les matins un quart d'heure dans sa chambre, et qu'il employait ce temps à se dire à lui-même : « Je veux être maréchal de France » et grand général. » M. de Buffon me dit à ce sujet un mot bien frappant, un de ces mots capables de démontrer un homme tout entier : « Le » génie n’est qu'une grande aptitude à la patience. » Cela revient au mot de Newton. On disait à ce dernier : « Comment avez-vous fait tant de découvertes ? — En cherchant toujours et patiemment», répondit-il. Remarquez que le mot patience doit s'appliquer à tout; patience pour chercher son objet, patience pour résister à tout ce qui s’en écarte, patience pour souffrir tout ce qui accablerait un homme ordinaire. »

On sait quelle importance Buffon attachait au style : il avoua au théologal de Semur qu'il avait écrit dixhuit fois ses Époques de la nature. « Il y a, observait-il, deux choses qui forment le style: l'invention et l'expression ; je me le représente sous l'image d’une découpure qu'il faut rogner, nettoyer dans tous les sens, afin de lui donner la forme qu'on désire; le style, c’est l'homme même; les poètes n’ont pas de style parce qu'ils sont gênés par la mesure du vers qui fait d'eux des esclaves. » Il trouvait le style de Thomas assez bon, mais trop tendu, trop enflé ; celui de Rousseau beaucoup meilleur, mais avec les défauts de la