Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 279

cerveau mâle. Le premier est une sorte de matrice ; il reçoit et il rend, mais il ne produit pas. »

Hérault de Séchelles, attrayant causeur, s’était formé à l’école de ces charmeurs de la conversation qu'il savait écouter, dont il discerne et définit la qualité dominante : la tournure piquante, élégante, académique de l’abbé Delille ; les pinces mordicantés de l’esprit de Chamfort ; la liberté, l’aisance, la grâce théâtrale et sociale de Molé ; le ton noble et poli, l'esprit de justice de M. Ducis; la parole diviseuse, précise, vouée à de grands objets, soit politiques, soit gracieux, de M. Cérutti; le silence de M. Franklin; l’audace verbeuse et brillante de l'abbé Fauchet ; le coup de gueule dur et ferme de Martin; la manière de conter de d’Alembert ; la parole vive et expansive de Lavater ; l'entretien continu et bien français de Marmontel ; la tournure simple, mais supérieure, l'esprit sérieux, étendu, géomètre, avec un peu de malignité, de Condorcet; le génie d'analyse et l'intelligence chercheuse de M. de la Grange ; la parole brillante et pure, et par-dessus tout, claire comme un rayon de soleil, de Diderot, cette conversation qui ressemblait à une belle lumière qui ne demande qu’à être approchée de beaucoup d'objets et qui répand un jour enchanteur sur la vie, Diderot dont on a dit que la conversation valait mieux qu’un livre, parce qu’elle instruisait et persuadait, ce que les livres ne font pas toujours; Rousseau, causeur médiocre, comme La Fontaine et