Orateurs et tribuns 1789-1794
2% ORATEURS ET TRIBUNS.
ingénieuse réflexion en épigraphe au recueil de ses discours.
« Il est deux opinions publiques : l’une précipitée, éphémère et fugitive, ne se compose que de préjugés et de passions ; l’autre lente, stable, irrésistible, se compose du temps et de la raison. L'une et l’autre cependant sont ce que l’on appelle l'opinion publique ; et quand, par une confusion d'idées, on suppose à la première les droits qui n’appartiennent qu'à la seconde, on expose le salut du peuple et l’on fait retomber sur lui le châtiment de ses erreurs. »
Montlosier affirme qu'aussitôt que sa faveur eut disparu, le talent d'improvisation de Clermont-Tonnerre disparut de même, qu'à la fin il ne pouvait prononcer deux phrases sans un cahier à la main. Ainsi donc l’éloquence de certains orateurs aurait besoin d’applaudissements, d’une atmosphère de bienveillance, sous peine de s’évanouir comme un feu follet; un bravo la fait naître, un murmure la détruit; sensitive morale, fleur délicate, sa durée dépendrait des circonstances extérieures. D’autres au contraire, et ceux-là sont les meilleurs, se fortifient par la contradiction, grandissent dans la tempête, se déploient dans le tumulte des passions déchaînées.
Quant au due de Lévis, que j'ai surpris déjà en flagrant délit de médisance, il déclare que ClermontTonnerre devait plutôt à l’art qu'à la nature le talent de la parole, et qu'il avait acquis cette aisance dans