Orateurs et tribuns 1789-1794
L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA CONSTITUANTE. 2
les assemblées de francs-maçons qu'il fréquentait assidûment. « Ce n’est pas, ajoute-t-il, que les sujets vagues et abstraits que l’on y traite soient utiles pour se perfectionner dans la logique, base de la véritable éloquence ; mais en parlant devant un grand nombre d’auditeurs, on se guérit de cette inexplicable timidité qui nous prive tout à coup de la mémoire et des autres facultés de l'esprit. » Est-il bien sûr que la logique et l’éloquence soient inséparables ? J'aurais plutôt envie de définir celle-ci, l’art d’émouvoir, d’ébramer les foules populaires ou parlementaires par la voix, le geste, par une rhétorique passionnée, par l'appel à l'intérêt sous des formes insinuantes. Que devient la raison, que devient la logique devant un cri, devant un appel au sentiment, cet irrésistible tentateur qui transporte l’auditeur sur la montagne, et, comme dans la parabole divine, lui montre les trésors d’utopie ou d’idéal, les royaumes d'imagination ? Ce qu'on peut concéder au duc de Lévis, c’est que, depuis un demi-siècle, la conversation, loin d’être comme autrefois générale, se subdivisait d'ordinaire dans les salons en groupes de deux ou trois personnes. On ne se parlait presque plus qu'à
4. Introduit dans le monde pendant les années qui précédèrent la Révolution, Ch. Lacretelle en fait le tableau suivant : « On dinait à deux ou trois heures, on soupait vers huit ou neuf heures à la sortie du spectacle qui fournissait un sujet d'entretien animé. Le cercle était peu nombreux, attentif et plein de déférences délicates pour l’âge, pour le sexe et pour la renommée encore plus que
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