Orateurs et tribuns 1789-1794

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l'oreille, et ce chuchotage continuel, très favorable à la malice et à la coquetterie, ne roulait presque jamais sur des sujets sérieux ou du moins {railés sérieusement. Si quelqu'un élevait la voix, eût-il tout l’esprit et toute la raison du monde, il passait pour un orgueilleux

pour le rang. On causait circulairement et bien assis. Les 4 parte n'étaient ni longs ni intolérables comme ils le sont trop souvent aujourd'hui. On y parlait moins d’affaires que de littérature ou de galanterie, mais brièvement et avec décence... Le lendemain on suppléait aux sous-entendus de la conversation par des lettres très fautives pour l’orihographe de la part des dames les plus spirituelles. La maitresse de maison épiait avec soin toutes ces convenances ou ces sympathies plus ou moins fugitives du monde galant, pour qu’on se trouvät bien assorti. ‘

» Je crois que madame de Staël fut la première qui introduisit l'éloquence dans la conversation. Tout allait bien pourvu qu'il y eût du trait. Aussi beaucoup d'hommes cilés en faisaient bonne provision le matin pour l'heure du souper. L’à-propos pour les placer demandait de la finesse : à défaut de ce soin, on appelait un compère, à charge de revanche. On pouvait d’ailleurs suppléer à son propre fonds par le fonds d'autrui. Un bon mot dit dans un cercle pouvait passer, dans une mème soirée, en vingt cercles différents, car il y avait presse pour le colporter : heureux qui était muni d’un cabriolet. Enfin, si on ne se sentait pas assez de crédil, assez de renom pour faire la fortune d'un bon mot inédité d'avance, on le mettait sur le compte d'hommes riches en ce genre, tels que l'abbé de Talleyrand, le comte de Narbonne et le chevalier de Boufïlers, sauf à en revendiquer après la propriété.

» L'usage du souper touchait à son déclin; il n’était plus guère réservé qu'aux femmes, à leurs adorateurs les plus fidèles, et aux jeunes gens qui brülaient d'entrer en lice. Quant aux hommes graves, ils s’occupaient de la politique que les débats des notables, puis ceux des parlements, rendaient déjà fort nébulceuse... La métaphy-