Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA CONSTITUANTE. 45

avoir ses talents pour vous confondre et prouver votre perfidie. » Les assemblées accordent, sinon leur sympathie, du moins leur crédit à de tels hommes, parce qu'ils répondent à un sentiment assez général, parce qu'ils représentent les solutions mixtes, celles qui ne compromettent pas, et que leur esprit de pénétration, de prévoyance, leurs attitudes énigmatiques laissent à penser qu'ils interprètent l'opinion publique ou l'opinion de très hauts personnages, qu’ils possèdent des secrets lucratifs : on se dit tout bas qu'il convient de rester en bons termes avec ces ministres de l’imprévu et du mystère: en cas de succès définitif, ne serviraientils pas de trait d'union, de répondants auprès du vainqueur ? Combien peu, en effet, parmi les plus ardents patriotes, allaient alors jusqu’à la République, combien

4. Les luttes de la tribune étaient très ardentes, mais les combatfants déposaient leur haine, retrouvaient leur bonne humeur en la quittant, et savaient rendre justice à leurs adversaires, Des conversations originales s’engagaient dans les couloirs et parfois aboutissaient à de plaisants résultats. Un jour l’abbé de Pradt et Rewbell s'étant mis à se cisputer, chacun prétendant amener son interlocuteur à résipiscence, la transaction suivante s'établit entre eux. Si la République venait à se fonder, Rewbell qui y aurait de l'importance, devait garantir et sauver l'abbé de Pradt; si la contre-révolution s’effectuait, l'abbé rendrait le même office à Rewbell. Et peu s’en fallut que ce contrat innommé sortit son effet : aussitôt que Rewbell fut directeur, il fit chercher partout l'abbé de Pradt pour lui faire rendre ses biens et procurer toutes les réparations possibles. (Voir Lacretelle )

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