Portalis : sa vie, et ses oeuvres
AVOCAT 3 de la Provence, Portalis a la pénétration, l’éloquence et la verve méridionales ; fils du xvrrr° siècle, de cette époque maudite et louée tour à tour avec excès et qui conserve, malgré tant de faiblesses et de malheurs, une si réelle grandeur, il en partage les tendances philosophiques, l'esprit d’examen, de critique et de discussion. Sa puissance de travail est prodigieuse comme sa mémoire. Il soutient avec éclat ses thèses de philosophie; il commence, à l’université d’Aiïx, ses études juridiques sous la direction de l’habile juriconsulte Julien, et, en même temps, il publie ses deux premiers ouvrages : une courte et élégante dissertation de quelques pages sur les Préjugés?, et une réfutation de l Émile.
Ce dernier écrit est fort inférieur au premier. Soit que le jeune polémiste connût imparfaitement son redoutable adversaire, soit que son esprit, malgré sa précoce fermeté, ne fût pas encore à la hauteur des problèmes qu'il abordaït, ses jugements manquent souvent de sûreté, son style est quelquefois entaché de
4. Il nous a été impossible d’en retrouver même le titre.
2. Quelques traits de cet opuscule sont particulièrement heureux. Portalis dit, par exemple, en parlant des préjugés philosophiques:
« Les vérités dogmatiques ont des bornes ; né libre et peut-être » rebelle, l'esprit humain n’aime point à s’en prescrire (page 9). »
Plus loin, déplorant à la fois les excès de l'intolérance et les écarts de la philosophie irréligieuse, il répudie toute idée de èontrainte sur les âmes, en des termes qui annoncent, de loin, le futur défenseur des protestants persécutés :
« Je ne prétends pas violenter les hommes pour les soumettre; » laissons à l’erreur le soin de s’étendre par les armes ;..…… la vé» rité ne connaît ni l'oppression, ni la violence; elle ne veut régner » sur les esprits, qu'après avoir fait la conquête des cœurs. » (Des Préjugés, page 20.)