Portalis : sa vie, et ses oeuvres
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l’intérieur, devant le Conseil d'Etat; malheureusement, il ne put le faire prévaloir. Dès qu’il eut cessé de parler, le Premier Consul se leva, et, dénonçant le parti jacobin, insista sur la nécessité de remettre entre les mains des Consuls une arme plus redoutable que le droit d’expulsion, un instrument plus sûr qu’un tribunal spécial organisé par la loi. C'était demander une sorte de dictature. Quelques membres, Truguet notamment, firent des objections, peut-être avec une vivacité maladroite ; mais Bonaparte mit fin à leurs observations par une violente sortie et leva la séance.
Le lendemain, 6 nivôse, une nouvelle réunion eut lieu chez Cambacérès. Le second Consul insista pour l'adoption d’une résolution conforme aux désirs de son tout-puissant collègue. Malgré la scène de la veille, plusieurs conseillers persistèrent à défendre le projet de la section de législation. « Portalis, dit un témoin » oculaire !, parla surtout avec beaucoup de chaleur contre toute mesure violente qui ne pourvoirait que
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» momentanément aux dangers, tandis que les institu-
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tions durables, telles que les tribunaux spéciaux, » étaient beaucoup plus efficaces. »
En réclamant ainsi le vote d’une loi au lieu de ladoption précipitée de mesures arbitraires, Portalis et ses collègues n'avaient pas seulement pour but de sauvegarder, autant que possible, la liberté individuelle ; ils voulaient surtout éviter que le gouvernement consulaire s’exposat à frapper des innocents. On était loin,
4. Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat, 1799 à 1804, par un ancien Conseiller d'État, page 37.