Portalis : sa vie, et ses oeuvres
AU CONSEIL DES ANCIENS 6l biens des établissements charitables, tout avait été successivement saisi, dépecé, englouti par les dépenses de guerre. Une seule ressource restait : les biens des parents d’émigrés. Le Directoire résolut de s’en emparer : il proposa de rapporter le décret de la Convention qui avait suspendu l’application de la loi de l’an II et de saisir immédiatement, entre les mains des parents d'émigrés, la part de leurs futures successions dont leurs enfants étaient héritiers présomptifs.
Le Conseil des Cinq-Cents, dominé par l'esprit conventionnel, vota dans ce sens, à une forte majorité, malgré les éloquentes protestations de Dumolard et de Boissy-d’Anglas. Au Conseil des Anciens, Creuzé-La- . touche combattit le premier larésolution des Cinq-Cents; un républicain exalté, Clauzel, lui répondit par des invectives contre les émigrés. Portalis monta ensuite à la tribune.
Examinant tour à tour le principe et les conséquences probables de la loi projetée, il lui reprocha de blesser toutes Les règles de la justice et de semer dans l'État de nouveaux germes de discorde. IL démontra d’abord, à l’aide de la science juridique et du bon sens, l'impossibilité morale d’une loi qui aurait constitué l’État héritier de citoyens vivants; il rappela que le règlement de.successions futures entre particuliers est interdit par les codes de tous les peuples, et il nia que le fisc pût, en aucune circonstance, être dispensé d'observer cette règle de moralité publique. Il prouva ensuite que, si l’on voulait considérer la confiscation proposée comme une indemnité due à la ré-