Portalis : sa vie, et ses oeuvres
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publique pour la guerre sanglante que les émigrés lui avaient suscitée, l'injustice du projet était plus manifeste encore. Cette indemnité n'aurait été, en effet, que la réparation d’une faute : or, toute faute étant personnelle, il y aurait eu iniquité à punir les pères et mères des crimes de leurs enfants majeurs.
Pour motiver ces mesures de rigueur, on supposait, il est vrai, que, loin de détourner leurs enfants de l’émigration, les parents d’émigrés les y avaient encouragés. Portalis admettait que cette complicité aurait pu justifier la sévérité de la loi, si elle avait été prouvée ; mais une supposition, dit-il, n’est pas une preuve.
« L'idée d’une complicité présumée est intolérable. » Qui nous a donné le droit de scruter les consciences ? » Les pensées ne sont pas du ressort des jugements » humains ; il ne saurait nous appartenir de forcer » le retranchement impénétrable de la liberté du » cœur !. »
Portalis repousse plus vivement encore la supposition d’une complicité générale. Il refuse d'admettre ane loi pénale qui aurait frappé, sans exception ni ménagement, toute une classe de citoyens, et qui, ne distinguant pas entre les parents d’émigrés lorsqu'il aurait fallu distinguer même parmi les émigrés, aurait confondu ensemble innocents et coupables. Il insiste sur ce point : avec une hardiesse dont personne encore n'avait donné l’exemple, il prend la défense de la
1. Moniteur de l'an IV. Séance du 3 pluviôse, tome Ier, pageb14.