Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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empêchait d'examiner et d’où provenait tant d'argent, et ce qu’il en coûtait aux peuples pour le donner, et comment on pourrait continuer tant de dépenses, ou combien serait déplorable la chute générale, quand il serait devenu impostible de pourvoir même au nécessaire. L'état en était aux expédiens: car les empruns et les anticipations ne sont pas autre chos Cependant la complication de la fiscalité était telle que personne ne pouvait en débrouiller les fils. Sous trente ministres successifs, la cour, toujours avide et toujours pauvre, avait imaginé de nouvelles ressources. L'invention d’un impôt était un trait de génie, et l’art de le déguiser marquait l’habileté de l'administrateur. Les Italiens nous avaient déjà apporté sous Médicis la fameuse ressource des traitans, dont la science consiste à donner le moins qu’ils peuvent à l’état, pour lever le plus qu’ils peuvent sur les peuples. La vente des charges et offices était encore un impôt levé sur l’orgueil et sur la sottise. On en créait chaque jour de nouvelles. Il faut apprendre aux peuples étrangers, entre les mains de qui pourra tomber cette courte et rapide histoire, que l’on vendait chez nous le droit exclusif d’exercer telles ou telles professions, et que ce droit devenait un titre. On créait des charges de perruquier, de mesureur de charbon, de langueyeur de pore; et ces métiers étaient dès-lors exclusifs; on les appelait des priviléges. Les gens riches les achetaient par spéculation, et les revendaient avec avantage. Tel financier avait dans son portefeuille trente charges de perruquier, qu’on lui achetait chèrement du fond des provinces. Outre que cette basse spéculation altérait le caractère d’un peuple où tout était, à vendre jusqu’à l’honneur, puisque la noblesse était vénale, toutes ces créations de charges étaient des impôts indirects: car l’achetéur d’un office ne manquait pas de se faire rembourser en détail par le public. Elle nuisait à l’industrie, puisque, pour exercer un métier, il ne fallait pas avoir du talent, mais être déjà riche, ou emprunter pour le devenir. Enfin, elle était une charge de plus pour l’état, qui payait les gages ou les intérêts de chaque office qu’il avait vendu. Le nombre en était énorme. Un homme qui fut chargé de les compter, et qui se lassa, les estimait au-delà de trois cents mille. Un autre homme calcula que, dans l'espace de deux siècles, on avait mis sur le peuple plus de cent millions d'impôts nouveaux, uniquement pour payer les intérêts de ces charges. On l’a vu, lorsque l’assemblée constituante, tranchant toujours dans le vif et détruisant les abus par la racine, a ordonné le remboursement des offices. Chaque jour en a vu sortir de nouveaux de l’obscu-