Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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dérant. Ainsi les calculs faits sur la prochaine dépopulation dela France auraient étéréduits, mais toujours suivis. La convention avait perdu presque tous ceux qui, dans les premiers débats , s'étaient annoncés comme les chefs de l’un et de l’autre parti. La mort n’avait pu frapper une foule de lâches qui s'étaient rendus comme invisibles ; leur courage était nul, leur volonté inerte, leur sentiment moral était faible, froid ou faux. Ils avaient la puissance du nombre; chaque parti pouvait exercer sur eux , en senscontraire , la puissance des menaces. Une assemblée qui absorbait tous les geures de pouvoir, qui avait entre ses mains la propriété, la liberté, la vie de tant de millions d'hommes; qui commandait à quatorze armées victorieuses ; qui ébranlait plusieurs rois sur leur trône, et qui les humiliait tous; une telle assemblée faisait de ses orateurs des souverains. Les prétentions aux premiers emplois n’étaient limitées pour personne. Une éloquence révolutionnaire, une administration révolutionnaire ne demandaient aucune étude. La langue de la convention était faite, et je ne crois pas que jamais peuplade à demi-barbare en ait parlé une plus pauvre, plus monotone, plus vide de sens. On fut étonné , sur-tout après le 9 thermidor , de tout ce que la montagne renfermait d'orateurs, de tout ce que les clubs avaient formé d'hommes d'état. Tandis que ces prétentions s’élévaient presque toutes avec des chances égales de succès, les amis de Danton soutinrent les leurs par une conduite dont on doit toujours se souvenir avec reconnaissance. Ils se dirent : Le 9 thermidor nous appartient ; c'est à l'humanité qu’il faut en faire hommage. Ils se dirigèrent vers le pouvoir; mais ils voulurent que le pouvoir cessât d’être loppression et la mort. Ils rompirent avec plusieurs de leurs anciens compagnons, avec leurs premières maximes. Des souvenirs récens de leurs propres actions , horribles pour quelques-uns, pénibles pour tous , ne les rejetèrent point dans les routes funestes dont ils étaient sortis. Ils ne conservèrent de leur premier caractère que la dextérité et l'audace ; ils cessèrent de s’apeler Les vieux Cordeliers, pour prendre le nom plus beau de thermidoriens. Je les désignerai dorénavant par ce nom. Ils n'étaient que trente ou quarante. Où se former des alliés dans la convention? Soixante girondins qui y siégeaient encore en étaient bien la partie la plus recommandable ; mais le 31 mai avait dû leur laisser de l'inimitié, ou au moins de la défiance : ceux-ci d’ailleurs avaient à demander pour leurs amis proscrits ou fugitifs plus que les thermidoriens ne voulaient ou n’osaient d'abord accorder. Ils se rapprochèrent , sans s'unir, avec des opinions