Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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seize Nantais , que Carrier avait fait transférer à Paris comme fédéralistes. D’accusés, ils devinrent bientôt accusateurs. Ils révélèrent une partie des horreurs commises dans leur patrie. Ils furent absous, L’impression qu’ils avaient produite était telle, que les membres du comité révolutionnaire de Nantes furent bientôt mis en jugement.

L’instruction de ce procès dura deux mois et demi. Une foule immense se portait tous les jours au tribunal. Jamais les hommes n'avaient été épouvantés par un récit de telles hor= reurs. Le comité révolutionnaire de Nantes, dirigé par Carrier, avait fait arracher de tous les lieux abandonnés par les combattans de la Vendée, les vieillards, les femmes, les enfans; il les destinait tous à la mort; il épuisait toutes les inventions de la férocité pour leur supplice. Dès que le bourreau eut déclaré ne pouvoir suffire aux exécutions qui étaient annoncées, Carrier et ses agens firent fusiller des milliers de malheureux contre lesquels il n'avait été porté aucun jugement. Nantes et Lyon étaient souillés dans le même temps par les mêmes massacres. Des assassins avaient été rassemblés sous l’affreux nom de compagnie de Marat ; c’étaient eux qui déchiraient les victimes. Bientôt ces monstres éprouvèrent la satiété de ce genre de barbarie. Ils créèrent un nouveau mode de destruction. La compagnie de Marat conduisait aux bords de la Loire tous ces malheureux, qu'on appelait rebelles, les précipitait nus dans le fleuve, attendait sur les bords ceux qui se sauvaient à la nage, les taillait en pièces. Carrier souvent faisait attacher ensemble un homme et une femme dépouillés de tout vêtement, et ce malheureux couple était précipité dans la Loire : c’est ce que Carrier appelait un mariage républicain. Il ft construire des bateaux à soupape, dans lesquels on entassait les prisonniers, en leur disant qu’on les transférait ailleurs, ou même qu'on allait leur rendre la liberté, et les bateaux étaient submergés. Ce fut d’abord dans la nuit qu’il commit ce crime; il voulut ensuite en jouir en plein jour. Les témoins qui furent appelés dans ce procès déposèrent que six cents enfans avaient été noyés. Il y avait une telle pubiicité dans ces faits, qu’il devenait impossible aux accusés:{ les membres du comité révolutionnaire de Nantes) , de les nier; tous disaient : Nous avons obéi aux ordres de Carrier. Le public, les jurés, les juges demandaient à grands cris Carrier; mais la convention venait de rendre un décret qui instituait de lentes et rigoureuses formalités pour mettre un de ses membres en jugement. Il fallut en parcourir le cercle pour que l'humanité obtint la vengeance que jamais elle eût eu Le plus de droit d’invoquer. Enfin Carrier fut réuni à ses complices. {1 fut condamné,

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