Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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leur vengeance à la politique. Ils avaient déjà troublé trois ou quatre fois les jacobins dans leur assemblée, sans avoir pu les disperser tout-à-fait. Un excès d’un genre abject avait été commis; un châtiment ignominieux avait été infligé à des femmes barbares. Un soir cependant le combat s'était engagé de manière à faire craindre des suites assez sérieuses. Les deux partis s'étaient fait des prisonniers. Quelques membres du comité de süreté générale, qui avaient dirigé ce mouvement, se présentèrent pour le terminer. Les jacobins furent chassésavec opprobre. Le lendemain, ils vinrent à l'assemblée se plaindre des outrages qu’ils avaient soufferts. La convention était habituée à recevoir mal les vaincus. Rewbell et Bourdon de l'Oise demandèrent que leur club fût fermé. Il le fut.

Pouvait-on espérer que les thermidoriens se chargeraient de poursuivre la vengeance des crimes commis par leurs collégues ? Avides d’une reconnaissance que leurs derniers efforts méritaient bien, quelque parti qu'ils prissent, ils allaient l'affaiblir… Tout dissimuler sur les coupables, c'était avouer de la complicité avec eux; tout dire sur eux, c'était rappeler sur soi des souvenirs éruels. Leur plan fut arrêté de bonne heure. La tyrannie avait eu son siége dans les comités; c’est là seulement qu’ils voulurent chercher la première cause des crimes. Mais, pour arriver jusqu’à ces dominaieurs, il fallait frapper quelques-uns de leurs agens les plus féroces, tels que Carrier, Lebon , Maignet; tels aussi que Fouquier-Thinville, et les jurés du tribunal révolutionnaire, du 22 praiial. Des dénonciations furent reçues, des procédures commencèrent. L’'indignation publique fut chaque jour excitée, et rarement satisfaite. Ce ne fut point une amnistie, ce ne fut point une réparation. La justice se montra faible, désarmée, partiale. Les coups de mort tombèrent comme au hasard sur quelques coupables. De grands malheurs, des fureurs nouvelles, dûrent peut-être leur cause à cette politique embarrassée. La convention commit, à cet égard, de grandes fautes, parce qu’elle n’eut jamais de vœux prononcés. De toutes ses fautes, ce sont celles-là peut-être qu’il faut le moins rechercher, parce qu’elles tenaient à sa position, à la violence des maux soufferts , à l'impossibilité de tout expier. Qu’un homme à qui elle eût remis la dictature eût dit : J'égalerai le nombre des supplices au nombre des coupables; cet homme n'eût été qu'un barbare en démence. |

Le premier député qui fut appelé en jugement fut Carrier; et certes, la vengeance du genre humain ne pouvait mieux commencer que par lui. Peu de jours après le 9 thermidor, le nouveau tribunal révolutionnaire eut à juger quatre-vingt