Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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des victoires qui n'étaient pas accompagnées au-dedans de mille assassinats. Qu’on eût appris une grande défaite, Billaud et Collot eussent dit: Nous seuls nous savons ré-

arer les défaites; et la convention leur remettait encore toutes les haches de la dictature.

Carnot, qui était resté au comité de salut public avec des collégues plus dignes de lui, continua de diriger cette immortelle campagne de 1794, dont tout à l'heure nous allons rendre un compte trop imparfait et trop rapide.

Cependant les moyens révolutionnaires étaient épuisés ou condamnés ; les assignats avaient été soutenus par la stupide loi dn maximum , et cette loi par les échafauds. Plus les assignats s’avilissaient, plus on les prodiguait ; il en tombait de nouveaux milliards sur une nation qui en était accablée. Chacun se poursuivait avec cette fatale monnaie; les relations commerciales offraient un désordre menaçant pour les mœurs et la probité. Il y avait une guerre civile entre les créanciers et les débiteurs. La convention roulait dans l’abîme des finances avec une sécurité qui est un phénomène remarquable : elle trompait, elle se laissait tromper avec la même indifférence ; le mot économie paraissait vide de sens, quand les valeurs employées étaient fictives. La convention s’ôtait comme à plaisir tous les moyens d’être juste, afin de se .disculper de ne l'être pas. °

Elle le fut une fois cependant, et dans l’occasion la plus importante. Sa carrière ne me paraît pas avoir été marquée par un trait plus honorable. Elle décréta la restitution des biens des condamnés à leurs familles. L’odieux principe de la confiscation, quitente la cruauté par l’avarice , qui montre de riches dépouilles pour prix du meurtre , avait été un des principaux mobiles de la tyrannie. On raporte de Barrère un mot épouvantable , mais qui n’a pas, je crois, l'authenticité de tant de féroces jeux d'esprit dont il orna la langue des bourreaux : Nous battons monnaie sur la place de la Révolution ( c'était le lièéu des supplices }. Fout s’empressa de réclamer en faveur des familles désolées. Morellet, judicieux et puissant antagoniste detoutesles iniquités, comme detoutes les inepties fiscales, plaida la cause des familles dans un écrit plein de force et de courage. Boissy-d'Anglas porta à la tribune de la convention le vœu de la morale publique. La discussion fut vive, le succès long-temps incertain. Le crédit des assignats, l'intérêt des créanciers de l’état et la sûreté des acquéreurs de biens nationaux ; enfin le sacrifice de deux milliards , auxquels on évaluait cette restitution, étaient sans cesse présentés par de nombreux, d’implacables adversaires. Je n’oublirai jamais l'impression que Le-