Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

NATIONALE, 199 :

Au mois de mars 1794, on vit sur pied les armées les plus nombreuses que jamais peut-être l'Europe ait présentées. La France , sans alliés, avait levé plus d’un million de combattans, nombre supérieur à ce qu’elle pouvait armer et employer. Le décret de réquisition en avait fourni près de quatre cinquièmes. Les ennemis insultaient à cette. milice inexpérimentée ; ils se flattaient même d’y trouver des auxiliaires. Il se fit une répartition assez habile de toutes ces forces , pour qu’elles ne fussent ni incommodes ni dangereuses. Les lecons de l'art militaire ne furent données aux nouvelles troupes que dans les batailles. Comme tous les points de nos frontières étaient ménacés à-la-fois , les bataillons circulaient sans cesse de l’une à l’autre, n’épuisaient point un même pays, fournissaient des garnisons à toutes les places, donnaient des renforts assurés après une défaite , ou venaient accabler d’une masse toujours croissante l'ennemi déjà vaincu.

Nos armées avaient à leur tête des généraux déjà victorieux. Pichegru commandait celle du Nord, Jourdan celle de Sambre-et-Meuse , qui devaient porter les plus grands coups, et les frapper d'intelligence.

La poudre manquait avant l’ouverture de la campagne; le comité de salut public recut un secours important des Savans, que protégeait Carnot. Nos chimistes les plus distingués inventèrent un moyen de préparer le salpêtre qui se forme dans les caves. Il fut ordonné de l’en extraire. Les habitans de Paris se livrèrent à ce soin avec une ardeur remarquable.

Les sciences eurent encore d’autres occasions de seconder Vart militaire. On avait senti tous les avantages que , dans les campagnes précédentes, nous avions dus à la supériorité de notre artillerie : elle fut encore perfectionnée.

L’Autriche, fatiguée des entreprises partielles qui avaient borné et compromis ses nouvelles conquêtes, était décidée à suivre des opérations moins timides. Paris seul lui paraissait un prix digne des grands eflorts qu'elle venait de faire. L'empereur était venu animer ses troupes par sa présence. Plusieurs corps, mais particulièrement les régimens hongrois , étaient animés du plus vif enthousiasme. Le plus présomptueux des officiers autrichiens, le colonel Mack, avait fait adopter ses plans. Le prince de Cobourg, disposé enfin à une attaque impétueuse , n'avait négligé aucune précaution pour sa sûreté. On parlait des retranchemens qu’il avait fait élever dans la forêt de Normale, comme d’une barrière impénétrable. L'élite des troupes autrichiennes composait l'armée du centre, qui, par le