Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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dans le publie qu’il était particulièrement redevable de sa liberté au directeur Barras. Mais celui-ci ne pouvait craindre d’être désavoué par ses collégues.

Quant à Babœuf, il ne parut d’abord voir dans son arres‘tation qu'un signal donné à son parti, d’éclater, de rompre ses fers, de renverser le directoire, de se baïgner dans le sang de tous ses ennemis. Deux jours d’un morne repos dans la capitale diminuèrent ses espérances, mais n’abattirent point tout-à-fait sa fierté. Ce fut alors qu'il écrivit au directoire en ces termes : « Regarderiez-vous au-dessous » de vous, citoyens directeurs, de traiter avec moi de » puissance à puissance? Vous avez vu de quelle vaste » confiance je suis le centre. Vous avez vu que mon parti » peut bien balancer le vôtre; vous avez vu quelles immen» ses ramifications y tiennent. Je suis convaincu que cet » apercu vous à fait trembler. » Il finit par offrir pour sa rançon la soumission momentanée de son parti, comme un général s'engage pour son armée à une suspension d'armes. Le directoire répondit à cette lettre insolente et bizarre en la rendant publique. : ,

Cependant peu de jours se passèrent sans que Paris recüt les plus vives alarmes d’une faction dont on disait les chefs principaux arrêtés. C'était la première fois, depuis la révolution, que l'autorité dominante repoussait les efforts d’an parti séditieux sans appeler à elle les secours actifs d'un parti contraire. Ceux-mêmes dont les noms avaient été placés sur les listes des proscrits tracées par les conjurés n'avaient pour se rassurer sur leurs propres dangers que les dangers du directoire. Le 13 vendémiaire avait aboli par Je fait Vinstitution des gardes nationales, qui avait été créée dans l’espérance de conduire la révolution à l'abri de l’aparchie. Le directoire avait une garde constitutionnelle. Le corps-législatif en avait une plus considérable; plusieurs régimens de troupes réglées campaient aux environs de Paris. Qui le croirait? De telles forces, le concert des premières autorités, l’indignation de tous les hommes de bien, Veffroi des propriétaires, eurent encore à soutenir une lutte avilissante , et quelquefois périlleuse, contre trois ou quatre cents hommes indigens, qui avaient toujôurs été trop loin de l'honneur pour étre appelés déshonorés. La sédition exilée des clubs avait pris son refuge, ses armes et ses 10Spirations dans les cabarets. Les anarchistes s’invitaient par différens signaux, ét quelquefois au son du cor, à de sinistres orgies, où leur rage, encore plus opiniâtre que désotrdonnée, inventait souvent de redoutables stratagèmes. Ils avaient coutume d'exposer au premier essai et au premier