Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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position qui ne répondait nullement à leurs espérances. Des sabres levés s’opposaient à leurs accolades fraternelles. Ils rétrogradèrent avec précipitation : mais bientôt, s’apercevant qu’une garde nombreuse ne faisait aucun mouvement pour les poursuivre et pour dissiper leur rassemblement , ils se réunirent à ceux qui s'étaient portés vers le camp de Grenelle. Soit qu'ils eussent des intelligences ayec le premier poste qu'ils rencontrèrent, soit que celui-ci eût recu l’ordre de paraître seconder leurs vœux, l'entrée du camp leur fut permise. Aussitôt ils mélèrent à des chants patriotiques chéris des soldats des imprécations et des cris de ralliement : #ive la constitution de 93! meurent les tyrans du peuple ! La générale bat dans le camp. Le soldat s'éveille, s’indigne, prend ses armes, fuit de honteux embrassemens. Les chefs accourent : tout indique qu'ils s'étaient tenus prêts à repousser les anarchistes. On poursuit ceux-ci, on les meurtrit, on les écrase. La pitié, le mépris , l'horreur de frapper des hommes coupables , mais sans défense, font bientôt ouvrir les rangs au milieu desquels ils étaient enfermés. Queiques-uns sont arrêtés ; la faite est permise au reste de cette troupe, qui revient se cacher dans les faubourgs. Paris apprend les dangers de cette nuit; Paris se regarde comme échappé à un massacre général. Les anarchistes ne trouvent plus dans le corps-législatif qu’un petit nombre de voix qui parlent en leur faveur le langage de la pitié. Une commission militaire est nommée pour juger les chefs du complot. Leur procès s’instruit avec rapidité. Six d’entre eux sont fusillés au camp de Grenelle : parmi eux sont trois ex-conventionnels , Huguet , Javoque ét Cusset. Le résultat de cette journée fut de forcer pendant une année les anarchistes à linaction plutôt qu’au silence. Ce ne fut que plusieurs mois après que la hautecour de Vendôme prononça sur Babœuf et ses complices. Ils parurent plus méprisables depuis que leur tumultueux

arti cessa de donner des alarmes. Un des points prinei-

aux de la défense qui fut tentée pour eux, fut une aceusation formelle contre le directoire et l’un de ses ministres, d’avoir provoqué par des agens perfides des projets insensés qui n'offraient point les faits matériels d'une conspiration. La haute-cour nationale condamna à mort Gracchus-Baboœuf et l'un de ses complices, comme écrivains séditieux ; d’autres furent condamnés à la déportation. |

La discorde entre les directeurs n’avait point encore éclaté à cette époque; mais déjà chacun d’eux s’observait, et paraissaitsuivre une politique particulière. Carnot s'était offensé des espérances que le titre de membre du comité de salut