Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

60 DIRECTOIRE

public, qu’il avait porté sous Robespierre, donnait à ceux qui voulaient faire renaître ces jours funestes. Il devint le surveillant le plus assidu , et passa pour le vengeur le pius inflexible de leurs complots. C’est à lui sur-tout que fut attribuée la pensée de les laisser éclâter pour les punir. 11 la désavoue dans ses mémoires. Le directeur Barras n'avait pas vu sans quelque confusion la publicité donnée à l'entretien qu’il avait eu avec l’un des conjurés (Germain ). Ces mots qu'avait cités ou que lui avait prêtés Germain, si on m'eût laissé faire après le 13 vendémiaire , j'aurais encore travaillé la marchandise avec vous, souillaient un des magistrats suprêmes de la république d’un long opprobre. Si l’on en croit les révélations d'un rival, d’un ennemi, d’un homme dont il signa la destitution et l'exil { de Carnot), Barras parut attendre, et même encourager la conspiration de Babœuf, pour voir quel parti son ambition en pouvait tirer, Un tel rôle ne peut s’expliquer clairement que par une Comparaison qui a l'inconvénient de rabaisser des noms, dont lun est bien grand, et l’autre bien fameux : c’est | le rôle que joua César auprès de Catilina. Aucun fait précis n’appuie les conjectures de Carnot. Il faut observer d’ailleurs que Barras, ayant été celui des directeurs qui s’éloignait le plus de la simplicité et de la frugalité républicaine, se présente difficilement à l’imagination comme un allié secret des partisans de la loi agraire. Letourneur suivait l'impulsion de Carnot; et si on en croit encore les mémoires de ce dernier, Rewbel et Laréveillère-Lepaux approuvaient alors ses mesures contre les anarchistes, mais en se dérobant le plus qu'ils pouvaient aux fatigues et aux dangers de cette surveillance.

Il se fit bientôt entre les directeurs un partage tacite, mais inégal, des diverses branches de l'autorité. Les rela_ tions extérieures se traitaient avec le concours, et quelquefois entre les dissentimens de Carnot et de Rewbell. L'administration et les finances n'étaient le soin exclusif d'aucun des directeurs. Le ministre des finances proposait des projets. Rewbel et Barras concluaient des marchés. LaréveillèreLepaux avait paru se réserver les parties les plus libérales de l'autorité, Barras les plus splendides: Le premier s’occupait des sciences, en provoquant des établissemens qui devaient servir de digue à la barbarie qui, pendant deux ans, avait couvert la France ; il s’occupait aussi des mœurs et de la religion, en suivant le déplorable système de ja théophilantropie > €n créant des sectaires qui furent persécuteurs sans être fanatiques. I] y avait quelqne décence, mais peu de pompe autour de ces directeurs. On ne disait