Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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tendent à le séparer de l’armée piémontaise , sur laquelle il s’appuyait avant la journée de Montenotte. Tous les corps français prennent des routes séparées , et se dirigent vers un centre commun de ralliement. Bonaparte s’avance dans le Montferrat ; les gorges de Millesimo sont forcées par le général de division Augereau;, Ménard et Joubert tiennent enveloppé un corps de quinze cents grenadiers autrichiens commandés par le lieutenant-général Provera: dignes émules de leurs vainqueurs , ces généreux soldats veulent imiter l’héroïsme des défenseurs de la redoute de Montenotte. Provera les conduit en silence, en bon ordre, vers une colline escarpée dont ils se hâtent d'occuper les hauteurs, Les ruines d’un vieux château leur offrent des retranchemens. Les Français ne pouvaient se résoudre à différer l’attaque , quoique le jour fût sur son déclin. Le général Joubert, que nous voyons s’annoncer, et que trop tôt nous verrons mourir par l'excès du courage, escalade, avec sept grenadiers , ces ruines qui sont devenues une forteresse, Resté seul de ses compagnons , et blessé à la tête , il descend sans précipitation. Trois colonnes et trois attaques sont encore repoussées par les grenadiers de Provera. La nuit est venue, Provera respire. Mais Bonaparte s’est avancé, et, dans cette nuit même, une enceinte d’épaulement et des batteries d’obusiers se forme autour des quinze cents Autrichiens , qui tentent en vain de s'échapper.

Le mouvement ordonné par Bonaparte s'était développé. Beaulieu , qui voulait s’avancer au secours de Provera, voit dans la matinée du 25, sa gauche attaquée et débordée par Massena , près du village de Dégo. Trois colonnes , dont deux ont passé la Bormida , ne lui ont pas permis de rassembler ses forces. Il est vaincu successivement sur tous les points, et sa déroute lui coûte encore plus que celle de Montenotte. Provera , vivement attaqué par le général Augereau , avait enfin rendu les armes. En quatre jours, l’armée autrichienne se trouvait déjà diminuée de quinze mille hommes.

Un vieux général, après de tels revers , ne devait plus paraître occupé qu’à chercher dans les ressources de l’art des moyens d’assurer sa retraite. Tel n’était point le comte de Beaulieu ; nulle action n’était plus téméraire à ses yeux, dès qu'il pouvait la couvrir d’un stratagème. Après trois jours de défaite, il médite de surprendre, dans la nuit même , les ennemis ; il croit qu'on ne peut supposer trop de confiance à des vainqueurs, à des Français, à un général de vingt-six ans. Il compte sur leurs fatigues, et il oublie les siennes. Il a rassemblé sept mille hommes d'élite.