Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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di. Il se glisse, avec toutes les précautions d’une embuscade nocturne, jusqu’au village de Dégo. Il ÿ attaque, avec la baïonnette, les Français en désordre. La générale bat dans tous leurs campemens : ils sont frappés d'un grand étonnement, mais qui n’est mêlé ni de confusion ni de terreur. Bonaparte, dont l’imagination est toute remplie des chants d'Homère et d'Ossian, jouit de l'approche d’un combat assez sem blable à ceux qu'ont décrits ces poëtes immortels.

Le jour a montré le peu de forces, mais non le peu d’intrépidité des Corps commandés par le général Beaulieu. Trois attaques ont échoué contre le village de Dégo; la quatrième est combinée avec une telle vigueur, que Beaulieu se retire en laissant la moitié de sa petite armée prisonnière, et toujours combattant avec le reste. [l fallut dès-lors qu’il abjurât toute témérité devant le général français. Sa retraite vers l’armée piémontaise était coupée. Il fuit précipitamment par les routes d’Arqui et de Gravi, pour aller se couvrir des remparts de Tortone, heureux s’il y recoit quelques renforts des armées du pape et du roi de Naples.

Bonaparte voyait devant lui les forteresses redoutables que des princes guerriers avaient tour-à-tour opposées à l’Autriche et à la France; mais le roi de Sardaigne, renfermé dans son palais, attendait en vain de son peuple un dévouement dont il ne montrait pas l'exemple. Toutes les mesures qu’une sombre exaltation et un enthousiasme presque féroce avaient inspirées en France à l'approche de l'invasion ennemie , il les imitait languissamment et sans succès. Une levée d’armes, qui comprenait tous les hommes non mariés depuis 16 jusqu’à 30 ans, avait produit plus de révoltés que de soldats. Le général Kellermann, qui, des montagnes de la Savoie, menacçait le Piémont sur d’autres points, faisait une diversion aux forces qui devaient résister à l'attaque foudroyante de Bonaparte. C'était un malheur pour le roi de Sardaigne que d’avoir à garder trop de montagnes escarpées, trop de fleuves et de torrens, et sur-tout trop de forteresses, devant des ennemis habitués à franchir tous ces genres d'obstacles. Le Piémont d’ailleurs était dans cette situation critique que tant d'états de l'Europe ont connue en même temps, et pour leur désastre. Les grands et une partie du peuple des villes étaient plus éclairés que la cour; les gouvernés l'emportaient, pour l’activité et l’étendue de l'esprit, sur le Bouvernement. De là les prétentions de toutes les familles puissantes, de tous les corps; de là enfin la ligue de tous les privilégiés contre le souverain qui distribuait les priviléges. La maison de Savoie et la maison de Bourbon n'avaient semblé multiplier entré elles les allian-