Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

82 DIRECTOIRE

de ces préparatifs, qu’à peine ils pouvaient croire. Ils voient, ils disputent un peu, ils cèdent ce passage, et dans deux jours toute l’armée française l’a opéré sans avoir rencontré l'armée autrichienne. Elle ne fut apercue que lorsque déjà Bonaparte s’approchait de PAdda. Un combat s’engagea au-

rès de Formio entre les deux avant-gardes, La victoire fut chèrement achetée par la mort d’un des lieutenans les plus intrépides de Bonaparte, le général Laharpe : il fut blessé mortellement en chargeant à la tête de quelques hommes. Tout était soldat dans nos armées, maïs sur-tout à l’armée d'Italie. Il fallut toute la présence d’esprit et toute l’intrépidité du général Berthier pour que l'ennemi ne profität point du trouble qui se répandit parmi nos guerriers en apprenant la mort d’un des officiers les plus chéris et les plus estimés de l’armée.

Beaulieu, humilié de se trouver en toutes circonstances surpris par un ennemi que jamais il ne pouvait surprendre, voulait au moins se montrer supérieur à la fortune. Les ressources de ce vieux capitaine mettaient à une digne épreuve la gloire de Bonaparte. Il avait rassemblé tous les corps allemands ou italiens qui avaient cru marcher pour la défense du Piémont, et qui n’étaient arrivés que pour celle de la Lombardie. Il avait tiré de cette province une artillerie for-, midable. Calme et sévère, il avait contenu cet esprit de mutinerie qu’on vit souvent dans les peuples italiens , toujours portés à désirer de nouveaux maîtres, depuis qu’ils obéissaient à des maîtres étrangers. Le Tyrol lui avait envoyé des troupes aguerries; une autre armée autrichienne marchaïit à son secours et n’était point arrêtée par la crainte de violer le territoire des états de Venise; la neutralité de cette république était un simulacre dont ne pouvait s’effrayer la cour de Vienne. Il fallait donc contenir les Français; c’était les vaincre que de parvenir à les retarder : jamais armée, même francaise, n'avait supporté de telles fatigues, n'avait fait tant de marches forcées ni livré tant de combats en si peu de jours. Ces villes opulentes que Beaulieu semblait leur abandonner, telles que Milan, Pavie et Côme, offraient à ces vainqueurs un repos délicieux et perfide. L’imprudent et le magnanime Francois ler avait cédé à une telle amorce. Bonaparte a pour principe de ne s'assurer du gage de la victoire qu'après avoir complètement vaincu. Il marche sur Beaulieu, et voici un combat d’activité qui s'élève entre les soldats francais et les soldats autrichiens : les premiers passent les jours dans des marches bien calculées et régulières, quoiqu’elles aient toute l’impétuosité d’une course; les autres emploient les jours et les nuits à élever des retranchemens