Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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força de le suivre sur les confins de la Ligurie. L'armée de Naples reprit en bon ordre le chemin de Lucques. La défection d’un général cisalpin, qui passa à l'ennemi avec le corps qu'il commandait ne permit pas à Macdonald de garder la Toscane. Il occupa les défilés des Apennins, et suivit la route appelée /a Corniche. Moreau envoya deux divisions au-devant de lui. La jonction se fit devant des ennemis confondus de n'avoir pu l'empêcher. Mais, de tout le théâtre des victoires de Bonaparte, il ne restait plus aux Français que l’état de Gênes. Les citadelles de Milan et de Turin avaient capitulé. Mantoue, à la grande indignation de l'armée, tarda peu à se rendre. Plusieurs des passages de la Savoie étaient au pouvoir de Suwarow."De son côté, l’archiduc Charles avait fait de grands efforts pour entrer dans le pays des Grisons, et y était enfin parvenu. Massena, qui avait arrêté, pendant près de deux mois, l'effort des vainqueurs de Stockach, venait d’être forcé d'abandonner Zurich. Tel était au mois de juin 1799 la situation militaire de cette grande république, pour laquelle c'était un jeu, trois mois auparavant, d’envahir des états et de détrôner des souverains.

Elle offrait au-dedans des symptômes plus marqués de décadence. Nous venons de voir que l’ardeur des soldats se soutenait, ou plutôt qu’elle s’exaltait dans les revers. Les périls maintenaient la discipline; en France, ils redoublaient l'anarchie; elle était bien plus accrue que réprimée par la monstrueuse et faible dictature que s'était arrogée le directoire. La constitution n’était plus invoquée que pour attester des parjures. Par une étrange contradiction , le directoire sapait les parties fondamentales de cet édifice, et cherchait son refuge dans celles qu’il désirait conserver , et qu'il recrépissait avec un art misérable. De nouvelles élections avaient eu lieu au mois de germinal. Le directoire n'avait osé que faiblement accuser le mouvement national qui les avait con= duites. L'ordre y avait régné ; mais les plaintes contre les directeurs s’y étaient fait entendre. Le sort venait de renvoyer celui d’entre eux qui, dans toutes les occasions où il y avait de la haîne à recueillir, avait montré le plus d’ardeur à S'y exposer; c'était Rewbell. Il avait fait sentir à ses collégues, et bientot à toute la France, l’ascendant d’un caractère bourru et d’un esprit rusé. Les royalistes et les anarchistes se multipliaient à sa voix. Il avait pour maxime de ne point reculer, mais il s’avançait sans prudence. Le malheur des hommes inflexibles, c’est qu’ils ne sentent jamais quand la passion les emporte. C'était à Rewbell sur-tout qu’on attribuait la politique extérieure dont je viens de retracer les fautes et les suites funestes, En sortant du directoire, il entra au conseil