Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 197

de Nantes, et Lucien Bonaparte. En écoutant ce dernier, onse demandait souvent pourquoi son frère était éloigné dans une telle crise, et l’on faisait de son absence un nouveau sujet de murmures contre le directoire. Le premier remède qui fut proposé à tant de maux était de nature, non à détourner Vorage, mais à le précipiter : c'était la liberté de la presse; on l’obtint même pour les journaux. Il n’y eut plus d'autre limite à cette faculté que l’idée un peu importune des rivages de Synamari, auxquels deux ou trois cents écrivains avaient été condamnés par la loi du 19 fructidor.

Bientôt il se forma contre la majorité du directoire une ligue à la tête de laquelle on vit les généraux Augereau et Joubert. Barras la connut, y entra, et employa sa dextérité, ou, pour mieux dire, sa mobilité révolutionnaire à la favoriser. Elle était formée lorsque Sieyes arriva au directoire. Il est à présumer qu’il la vit sans peine. La plupart des députés, plusieurs magistrats de la capitale s’y joignirent. Jamais on ne conspira avec tant d’aisance. Il y eut un accord universel entre les conjurés pour ne point troubler leur bonne harmonie par des questions sur le système de gouvernement qu’il conviendrait de suivre. Grâces à cette discrétion, ils étaient sûrs de vaincre et de se combatire le lendemain de la victoire. L'expérience rappelait les uns à des institutions plus voisines de la monarchie; les autres se flattaient de voir réaliser le rêve de démocratie dont ils s’opiniâtraient à retenir les dangereuses chimères. Les trois directeurs, Laréveillère-Lepaux, Treilhard et Merlin , de Douai , dont on avait résolu l’expulsion, étaient des avocats, et le dernier passait pour avoir porté dans le gouvernement le génie du barreau, qui n’y convient guère. On employa contre eux les armes dont on leur reprochait l’usage. On raffina sur eux en subtilités de légistes. L'élection de Treilhard fut déclarée illégale. Quand on eut porté ce coup, on déclara la séance permanente. On se tint pendant trois jours et trois nuits dans un état d’hostilité qui ne semblait pouvoir se décider que par l’effusion du sang. Les trois directeurs menacés s’annoncaient comme résolus à se défendre; ils protestaient et juraient de mourir à leur poste. Barras et Sieyes protestaient et juraient avec eux. Le peuple de Paris, devenu très-indifférent sur le choix de ses maîtres, assistait à tout ce mouvement comme à la représentation d’un drame dont l'action lui paraissait plus propre à exciter la curiosité que l’intérêt. Les trois directeurs cédèrent au moment où il leur restait encore de grands moyens de résistance; ils donnèrent leur démission. Il est d'usage, dans les affaires de parti, d'attribuer la défaite des vaincus à leur pusillanimité, Cependant tout porte à croire qu'il entra