Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
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Après quelques jours d’une marche fatigante, mais paisible, les Mameloucks se présentent encore; ils sont au nombre de quatre mille. Les Francais n’avaient point encore eu à combattre une cavalerie aussi redoutable, L'armée d'Orient n'avait qu’un assez petit nombre de chevaux fatigués de la route; c’est à l’infanterie à soutenir le choc le plus terrible. Bonaparte la forme pour cette bataille d’un genre nouveau. Chacune des cinq divisions qui la composent forme un carré, et toutes se flanquent réciproquement. L’artillerie est placée aux angles , la cavalerieet les équipages au centre. Les Mameloucks étaient appuyés au village de Chebreisse et au Nil ; Sur lequel ils avaient une flottille composée de chaloupes canonnières. D'abord le combat s’engage entre celle-ci et la flottille française : même ardeur de part et d’autre. Une galère francaise est enlevée à l’abordage ; bientôt elle est reprise. Plusieurs chaloupes canonnières de l'ennemi sont brûlées.
Le général Berthier nomme parmi ceux qui contribuèrent au succès de ce combat le général Andréossi , Monge , Bertholet, Junot, Payeur et Bourienne. Ce ne fut pas la seule fois que les savans se trouvèrent ainsi associés à la gloire des guerriers.Mais les Mameloucks n’ont point confié leur défense à leur seule flottille, ils s’ébranlent, ils caracolent sur tousles flancs des divisions partagées en carrés. Bonaparte les laisse ap= procher jusqu’à la portée de la mitraille. Aussitôt l'artillerie se démasque, et disperse le plus grand nombre. On en vit quelques-uns assez intrépides pour fondre le sabre à la main sur les grenadiers. Enfin ils abandonnent un champ de bataille où ils ont laissé six cents hommes. La perte des Francais est de soixante-dix. Le village de CGhebreisse avait été emporté pendant que les Mameloucks s’abandonnaient ainsi à l'impétuosité de leur courage.
Dès ce moment , la conquête de l'Egypte fut assurée. Bonaparte avait deviné la manière de vaincre les Mameloucks même avant d’avoir fait l’essai de leurs forces. Il venait de donner à son armée la force et la masse impénétrable de la phalange macédonienne.Süûr de sa méthode, il n’attendait plus que loccasion de la renouveler avec plus d’étendue et avec plus de perfection encore dans tous ses détails. Les Mameloucks ne. tardèrent pas à la lui offrir.
Aucune armée française n’avait encore supporté de telles fatigues ; c'était pendant les ardeurs de la canicule qu’on pénétrait dans l’intérieur de l'Egypte. On ne trouvait que peu d’alimens dans les villages abandonnés, On éprouvait la faim en couchant sur des tas de blé qu’on n’avait ni le temps ni les moyens de moudre, À chaque pas il fallait redouter les embuscades des Arabes; plusieurs officiers étaient morts sous les